Depuis 2004, Guillaume Musso fait des malheurs en librairie. Ses romans intimistes, parfois accusés d'être trop faciles, sont en tête des palmarès des ventes. Le plus récent Musso vient d'arriver au Québec. Entrevue avec un «gourmand culturel».

Il y a quatre ans, Guillaume Musso a passé des vacances en Toscane. Un soir au restaurant, il a été fasciné par une famille américaine assise à la table voisine. Le père était en complet, la mère arborait un look «punk gothique». Leurs deux enfants étaient tout aussi dissemblables.

«Je me suis demandé ce qui arriverait si ce couple se séparait et que le père avait la garde stricte de sa fille BCBG alors que la mère s'occupait du garçon bohème», explique l'écrivain, joint chez son éditeur à Paris. «J'ai gardé cette image dans un coin de ma tête. Comme toujours avec mes romans, ç'a été une étincelle.»

7 ans après poursuit la réflexion amorcée au restaurant toscan. L'écrivain de 37 ans a fait disparaître le fils bohème. La mère rebelle demande l'aide de son ex-mari BCBG. Le couple se reforme au fil des péripéties de la recherche du fils.

«Depuis longtemps, j'avais envie d'un thriller "hitchcockien", un couple ordinaire confronté à des situations exceptionnelles, dit M. Musso. Je voulais aussi parler de la famille contemporaine, d'un couple divorcé qui a une deuxième chance en amour.»

Cette idée de la deuxième chance est au coeur de son oeuvre. «C'est vrai que le thème irrigue tous mes romans. Soit sous forme de deuxième chance pour le couple, ou sous forme de résilience. Un peu comme la vieille citation de Nietzsche : "Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort."»

A-t-il lui-même eu des deuxièmes chances? «J'ai eu un accident de voiture assez jeune, à 23 ans. Ça m'a fait passer du statut de jeune homme un peu insouciant à la prise de conscience d'une certaine fragilité et gravité de la vie. Cette expérience m'a mené à la rédaction de Et après, mon premier succès.» Le livre raconte une histoire de mort prémonitoire.

Sa carrière lui semble aussi une deuxième chance. «J'ai été prof d'économie pendant 10 ans, j'ai enseigné à des élèves de 15 à 18 ans. Ce côté pédagogique m'a structuré parce que je sais que le succès ne m'est pas tombé dessus à 20 ans, mais alors que j'avais déjà une carrière. J'ai pu l'apprécier davantage.»

Arriver à l'écriture sur le tard a eu un impact sur ses techniques. «Pendant longtemps j'ai fait le gros du travail en amont, avant de me lancer dans l'écriture. Je faisais un plan très solide, avec des petites bios de mes personnages. Maintenant que j'ai un savoir-faire plus fort, je me lance dans l'écriture plus vite et je me fais confiance. En fait, ça a commencé à changer après avoir écrit Fille de papier, où je décrivais ces fiches de personnages.»

Cette liberté l'a mené à refuser d'écrire pour le cinéma - Et après a été porté à l'écran par Gilles Bourdos, avec Romain Duris et John Malkovich dans les rôles principaux. «Vous êtes finalement Dieu quand vous écrivez. J'ai toujours refusé d'écrire des scénarios, à cause des contraintes. Financières, lieux de tournage, casting, temps. J'ai un côté démiurge assez fort.»

Libre, mais jaloux de son intimité. Mis à part son accident, Guillaume Musso refuse de discuter de liens entre sa vie et ses romans (il a toutefois accepté une séance de photo pour Paris-Match avec sa compagne Ingrid). Tout au plus précise-t-il que son goût pour la littérature lui vient de sa mère bibliothécaire, qui a fait de lui un «gourmand de lecture». «Refuser le sectarisme est quelque chose de très important pour moi. Adolescent j'allais autant voir Kieslowski que de Funès. Ça ne veut pas dire que Stephen King est au même niveau que Marcel Proust. Mais il ne faut pas avoir honte de son éclectisme.»

7 ans après, Guillaume Musso, XO Éditions, 386 pages