Salman Rushdie, Murakami, Patricia Cornwell, Tatiana de Rosnay, Alexandre Jardin, Régis Jauffret...: lorsqu'ils ne vouent pas Twitter aux gémonies, nombre d'écrivains utilisent ce réseau social comme espace promotionnel, d'échanges, voire comme outil d'expérimentation.

À l'instar des politiques et des people, ce réseau aux 383 millions d'utilisateurs dans le monde est une formidable vitrine promotionnelle même si les auteurs se contentent parfois d'y annoncer leurs passages à la télévision ou leurs séances de dédicaces.

Auteur du best-seller IQ84 (Belfond), le Japonais Haruki Murakami est suivi par une communauté très active. Il ne répond pourtant jamais à ses lecteurs.

À l'opposé, le Britannique Salman Rushdie, l'un des plus suivis avec 270 000 abonnés, dialogue presque quotidiennement avec eux. La reine américaine du roman noir, Patricia Cornwell, leur réserve la primeur des dates de sortie de ses ouvrages et leur livre ses pensées matinales.

Après avoir succombé à la tendance compulsive des messages en 140 signes, certains abandonnent leur compte pendant des mois ou le ferment, à l'instar du Français Yann Moix (Partouz) «dégoûté» par ce «dépotoir de phrases».

Son compatriote Alexandre Jardin avoue avoir «disparu dans un roman» et délaissé Twitter «pendant un an».

«J'ai commencé pour échanger avec des Québécois et m'exporter dans cet endroit où les gens éprouvent un si grand plaisir à exister», explique à l'AFP l'auteur du Zèbre et de Fanfan.

«Twitter est un flux, cela n'a rien à voir avec l'écriture qui engage l'être. Mais c'est délicieux», ajoute-t-il.

Twittérature comparée

C'est pourtant ce qui rebute beaucoup d'auteurs qui ont les gazouillis en horreur: «je n'ai jamais twitté de ma vie! Plutôt mourir! Il y a déjà le téléphone portable, donc largement assez de place pour l'hypocrisie», estime l'écrivain irlandais Colum McCann («Et que le vaste monde poursuive sa course folle») dans un courriel.

À l'inverse, la Française Karine Tuil, 39 ans (Interdit) adore converser sur Twitter avec des gens dont elle admire le travail et transmettre son enthousiasme.

«Je m'en sers comme outil de promotion mais pas comme forme littéraire. C'est du temps volé à l'écriture, un instantané qui distrait et incite à réagir à chaud, ce dont je me méfie. L'écriture c'est l'inverse, la réflexion a besoin de temps», ajoute-t-elle.

La jeune femme suit notamment Bret Easton Ellis, le maître américain en fictions d'anticipation sociale, pionnier sur Twitter.

Cet inconditionnel des tweets s'en sert comme «laboratoire littéraire». Il a notamment fait appel à ses lecteurs pour écrire la suite de son très controversé American Psycho.

«En ce moment j'aime le beurre»: désinvolte et minimaliste, le Français Régis Jauffret s'en amusait il y a encore peu, en jonglant avec les apophtegmes (précepte), comme d'autres s'exercent à l'aphorisme ou à l'adage.

«Jean Cocteau aurait été à l'aise sur Twitter car il faut être concis», commente Bernard Pivot, le célèbre journaliste littéraire français, enchanté par Twitter où il réjouit ses adeptes de réflexions sur la littérature et la langue française.

Certains twittos littéraires, dont beaucoup ont choisi comme avatar des monstres sacrés (Virginia Woolf, Albert Camus, Marcel Proust...), se sont pris au jeu du roman découpé en tweets, au Japon notamment, édité ensuite chez publie.net.

Un Institut de twittérature comparée, basé à Québec et à Bordeaux (Gironde), a même été créé en 2010. Son manifeste rappelle que «la twittérature est à la rature ce que le gazouillis est au chant du coq».