Au bout du fil, la voix apaisante de Michel Noël semble charrier jusque dans le combiné une odeur d'épinette. «Pas étonnant, je vous parle devant la forêt», répond le prolifique auteur d'origine algonquine qui a signé plus d'une cinquantaine de livres en carrière.

Après le magnifique Pien (prix du Gouverneur général) et La ligne de trappe (prix Alvine-Bélisle), l'auteur et ethnologue lauréat du Prix de la francophonie Saint-Exupéry signe À la recherche du bout du monde, roman jeunesse qui décrit la quête de Wapush, jeune Innu né en période de disette avant la période coloniale.

«J'ai beaucoup d'estime et d'admiration pour nos ancêtres et je tenais à la représenter sous un meilleur jour, souligne l'auteur. On représente souvent ceux-ci mal dégrossis, violents. Pour moi, nos ancêtres, qu'ils soient européens ou amérindiens, sont au contraire des gens inventifs, créatifs, qui avaient une possibilité d'adaptation à leur environnement assez exceptionnelle. Ils vivaient en harmonie avec la nature, une faculté que nous avons perdue et qu'il est assez urgent de retrouver.»

Roman d'apprentissage, ce nouveau titre de Michel Noël renoue avec les tribulations du peuple fondateur tout en décrivant les réflexions d'un adolescent perdu, en quête d'une chose qu'il ne sait pas nommer. «Il vient un moment dans la vie où l'on veut savoir qui on est, d'où on vient et où l'on va, explique l'écrivain. Ce garçon part à la recherche du bout du monde et sa quête d'identité s'étale sur des années. Il découvrira, grâce à des situations tragiques, que le bout du monde, on le transporte avec soi. Je dis d'ailleurs toujours aux enfants que je rencontre: si les gens vous disent que la vie est facile, il ne faut pas les croire. La vie est dure. Mais elle est belle, aussi.»

L'auteur, qui a passé les 14 premières années de sa vie sur une réserve en Abitibi, sait de quoi il parle. L'homme de lettres maintes fois primé savait à peine lire et écrire à l'âge de 14 ans.

«Si je suis rendu là dans ma vie, c'est parce qu'un jour j'ai découvert tout ce que la lecture pouvait me donner, explique-t-il avec animation. J'aimerais que la lecture soit aussi utile dans la vie des gens que dans la mienne.»

Double culture

Longtemps actif au ministère des Affaires indiennes et coordonnateur ministériel aux Affaires autochtones, Michel Noël se définit aujourd'hui comme un Québécois d'origine amérindienne. «Je ne me suis jamais senti déchiré entre les deux, avoue-t-il. Je suis en fait comme la majorité des Québécois: un métis. Mais on assume très rarement cette dualité. Pourtant, être métis, c'est extraordinaire, c'est avoir la capacité de comprendre deux cultures et d'être à l'aise dans les deux.»

«Un jour, je me suis rendu compte que j'avais un rôle de passeur, poursuit-il. Je peux jeter des ponts entre les deux cultures et amener les gens à s'estimer. Souvent, les Amérindiens ont un discours misérabiliste et j'ai toujours été contre ça. Tant qu'on a un discours misérable, on entretient la misère. Est-ce que j'ai l'air misérable? Non. Nous ne sommes pas un peuple d'écriture, certes. Mais j'ai découvert que c'était au contraire un avantage d'être issu d'une tradition orale. Nous possédons la parole, une parole fusionnée avec notre être, notre corps et notre âme. Je me suis donc mis en tête de trouver le moyen d'écrire aussi bien que mon grand-père savait parler. Et j'écris.»

À la recherche du bout du monde

Michel Noël

Éditions Hurtubise, 248 pages



Pour les 12 ans et plus