Lire les livres et voir les films avant tout le monde est l'un des avantages du métier de journaliste. Rien à voir avec un privilège, la question est de pouvoir vous en parler à temps. Dans le cadre d'un festival comme le FIFA (Festival international du film sur l'art), qui s'est ouvert jeudi, il faut se partager les films et s'en taper beaucoup pour détailler la programmation.

Tâche fastidieuse? Absolument pas. Car passer trois jours à regarder tous les documentaires concernant la littérature, ce n'est pas du zèle, c'est du plaisir pur. Et une constatation: bon Dieu que les écrivains sont absents du petit écran, et bon Dieu qu'ils nous manquent!

(Note: ceci est la section Livres, nous prêchons pour notre paroisse, mais on pourrait en dire tout autant des peintres, des danseurs, des architectes ou des musiciens qui font l'objet de documentaires au FIFA.)

Est-ce un complot? Est-ce que les têtes dirigeantes des télédiffuseurs ont tous lu La mort de l'auteur de Roland Barthes - ce qui nous étonnerait - et l'ont pris au pied de la lettre?

Beaucoup de critiques, de vedettes ou de «personnalités» nous exposent leurs ravissements et détestations de lecture, sans que jamais la parole ne soit accordée aux écrivains, sauf dans des entrevues trop courtes et la plupart du temps collectives. Ce n'est pas que l'écrivain doive devenir une «vedette de tivi», c'est sa non-existence dans le paysage télévisuel censé nous représenter qui est aberrante. On le traite comme un fantôme.

C'est quelque chose que d'entendre parler Philip Roth, Julia Kristeva, Frédéric Dard ou Umberto Eco dans des entrevues qui durent plus de huit minutes, et cela sans subir des publicités. Tout à coup, cette impression de respirer, l'oxygène qui revient au cerveau. Cet espace, aussi, pour sentir la pensée se déployer. Connaître les doutes, les manies, les questionnements et les obsessions des écrivains, les voir dans leur élément, et, tout simplement, constater qu'ils existent!

La lectrice doublée d'une téléphage qui vous parle a découvert la gravité de son anémie en recevant une telle ration de protéines. Seule ombre au tableau de la programmation du FIFA: le peu de documentaires qui sont faits sur les écrivains québécois. Ce qui est très inquiétant pour les archives visuelles de notre littérature.

On est en droit de se demander pourquoi il y a autant de tueurs en série, d'animaux dangereux et de camions lourds à Canal D, censé nous offrir des documentaires. Pas qu'on n'aime pas ça, mais la diversité est-elle permise? Pourquoi si peu de documentaires du FIFA sont présentés à la télé? Même à 2h du matin (on n'est pas difficile, on va l'enregistrer)? Pourquoi encore et toujours Les Belles histoires des pays d'en haut à ARTV quand on pourrait nous offrir ces entretiens passionnants? Heureusement, une émission littéraire animée par Claudia Larochelle sera au menu à l'automne, mais soulignons qu'il était temps.

Alors pour ceux qui souffrent eux aussi d'anémie, le FIFA est un rendez-vous. Consultez le cahier Cinéma d'aujourd'hui pour en savoir plus.

> Tous les détails de la programmation au www.artfifa.com

Passer ses nuits avec Gilles

Gilles Archambault fait partie de ces écrivains qu'on ne voit jamais à la télé. Mais vous pouvez maintenant partager sa discothèque. Deux compilations très généreuses viennent de paraître, Ma dernière nuit jazz volume 1 et 2, qui sont «un reflet de ses goûts». L'écrivain, dans son humilité, tient à préciser qu'il «n'est en rien un spécialiste du jazz». Mais quand on lit dans le livret «impossible de retenir un Mingus qui ne durerait pas au moins sept minutes» ou, à propos de Billie Holiday, «la voix de la chanteuse, à ses débuts, me convainc davantage et il y a ce solo de Lester Young qui m'émeut», nous savons que nous avons affaire à un vrai mélomane. «Je cherche avant tout à ce que l'auditeur trouve, en écoutant du jazz, une qualité de plaisir qui soit égal au mien». C'est réussi!