Vous pensiez que le tiroir avait été raclé jusqu'au fond? Détrompez-vous. Tant qu'il y aura des gens pour tripper Beatles, il y en aura pour faire fructifier l'affaire.

Ce n'est pas un mal, remarquez. Mais c'est à se demander ce qu'on pourrait bien apprendre de plus sur les Fab Four. Eh bien surprise: le classeur n'était pas encore vide, comme en témoignent trois «beaux livres» assez nourrissants, parus comme par hasard (hem...) pour le temps des Fêtes.

Primo, ce magnifique bouquin de «table à café» consacré à George Harrison. Produit dérivé du récent documentaire de Martin Scorcese (Living in a Material World), cette brique de près de 400 pages est avant tout un immense festin photographique. Fournis par la veuve Olivia, les clichés proviennent de la collection personnelle de Harrison. On peut voir George petit, George moyen, George adulte, George sur scène, George dans la vraie vie, George en Inde, George chez lui avec ses lutins et George jouant au tennis avec Bob Dylan. Sans oublier toutes les photos prises par George lui-même, rare occasion de voir le monde à travers ses yeux.

On dira ce qu'on voudra, mais à force de se faire marteler les oreilles avec Lennon et McCartney, cet hommage au Beatle mystique est une vraie bouffée d'air frais. Et une bonne façon de patienter, en attendant la sortie en Amérique du DVD de Scorcese, prévue au printemps.

Bouffée d'air frais aussi que ce petit livre sans prétention sur les premières années des Beatles à Hambourg. On sait que la ville allemande occupe une place à part dans la mythologie du groupe. C'est là que George a perdu sa virginité. C'est là que le groupe a appris son métier, Mais qu'en sait-on vraiment, au juste? Paru chez Fetjaine, Les Beatles à Hambourg - Comment tout a débuté résume cette période punk et obscure, dans un format ludique et visuel. On est loin du fulgurant chapitre qu'en a tiré Philip Norman dans sa biographie sur John Lennon. Mais le livre a le mérite d'aller plus loin que les Beatles, en évoquant tous les groupes anglais qui envahissaient alors le Reeperbahn.

Enfin, The Beatles Discomania de François Plassat, ou la discographie compréhensive du Grand OEuvre beatlesque, incluant, attention, tenez-vous bien: tous les albums solo, les 45-tours, les compilations, les grands succès et les rééditions de toutes sortes! Chaque album est commenté, disséqué, analysé au peigne fin par l'auteur, un freak des Beatles depuis les années 70. C'est très graphique et assez dense merci. Et si le résultat donne parfois des boutons (trop, c'est comme pas assez...), on comprend mieux, désormais, pourquoi il faut éviter Rotogravure de Ringo ou Dark Horse, de George Harrison.

Eh non: les Fab Four n'ont pas toujours été fabuleux.

Beaux livres moches

Comment un livre devient-il un «beau livre» ? Son poids? Sa couverture cartonnée? Ses pages glacées? Ses photos abondantes? Peut-il souscrire à ces standards et être «laid» malgré tout? Poser la question, c'est y répondre.

Prenez cette horreur sur Queen, parue aux Éditions Place des Victoires. Du mauvais goût sur toute la ligne. Textes creux, photos criardes, aucune information privilégiée, que des mauvaises retailles mises en page par un père Noël de pacotille. D'aucuns diront que Queen, c'était aussi ça. Mais ce bon vieux Freddie, Dieu ait son âme, méritait quand même mieux. Idem pour les Stones, à qui l'on consacre ce nouvel album photo (50 ans de rock) dans ce qui se révèle un énième réemballage en papier glacé de la même foutue chanson. Et en plus: quel titre bête. Y a-t-il un «créa» aux Éditions White Star?

Ça ne s'améliore pas avec Légendes du jazz (Gründ), qui résume l'histoire de la note bleue en photos noir et blanc. Titre plat, concept mille fois exploité. Combien de fois nous faudra-t-il revoir ces vieux clichés de jazzmen noirs en action? O.K.: c'est une belle introduction au jazz. Mais à ce compte-là, on aurait pris des textes plus substantiels. Vingt-cinq lignes sur Charlie Parker, c'est franchement un peu triste.

Enfin, on ne pourra pas reprocher à Rock Connexions (Hurtubise) de manquer d'originalité. L'histoire du rock est racontée sous forme d'hyperliens, invitant le lecteur à surfer d'un artiste à l'autre. Mais un livre n'est pas l'internet et le concept s'avère inutilement compliqué.

Dans le genre «rock 101», conseil d'ami: rabattez-vous plutôt sur La Discothèque idéale du rock'n'roll, selon Philippe Manoeuvre, un vétéran du magazine français Rock'n'Folk.

Bon. C'est le volume 2. Mais justement, on aime bien ces suggestions de deuxième ronde. Elle nous sortent des éternels classiques surjoués et surentendus. Et puis, c'est du Manoeuvre: bien écrit, éloquent et imagé comme seuls les critiques de rock français savent le faire, même si des fois c'est un peu verbeux. Quand même, de l'excellente lecture pour les longs séjours aux toilettes.

Le meilleur pour la fin? L'histoire d'Abba, version «deluxe», (L'album souvenir d'un groupe mythique, aux Éditions de la Martinière). Pas besoin d'aimer le plus génialement quétaine des groupes suédois pour apprécier cette jouissive collection de documents d'archives, reproduits tels quels et intégrés au bouquin comme autant de pièces à conviction. Vieux billets de shows, photos de promo, cartes à échanger, coupures de journaux: il y a de quoi s'amuser pendant des heures.

Et on ne vous parle même pas des photos. Quelles bottes! Quelles robes! Quels costumes! Au secours!