Le prix Renaudot a couronné mercredi Emmanuel Carrère pour son fascinant Limonov (P.O.L), portrait du sulfureux Edouard Limonov, idole underground sous Brejnev, clochard à New York, écrivain branché à Paris et fondateur d'un parti ultranationaliste en Russie.

L'écrivain, qui faisait figure de favori pour ce prix convoité, a été choisi par le jury au deuxième tour par six voix contre quatre à Sylvain Tesson pour Dans les forêts de Sibérie (Gallimard).

Avant de devenir écrivain, scénariste et réalisateur, Emmanuel Carrère, né en 1957 à Paris, a débuté comme critique de cinéma à Positif et Télérama.

Ses ouvrages sont traduits dans une vingtaine de langues.

Son premier roman, L'Amie du jaguar, est publié chez Flammarion en 1983, les suivants sortiront chez P.O.L: Bravoure (1984), La Moustache (1986), La Classe de neige, Prix Femina en 1995 puis Prix du jury à Cannes en 1997 dans son adaptation à l'écran par Claude Miller.

En 2000, il publie L'Adversaire, adapté au cinéma par Nicole Garcia, avant Un Roman russe (2007) et D'autres vies que la mienne (2009).

Il a également réalisé deux films, Retour à Kotelnitch en 2003 et La Moustache avec Vincent Lindon et Emmanuelle Devos en 2005.

En 2010, il a été membre du jury du Festival de Cannes présidé par Tim Burton.

Limonov existe. Emmanuel Carrère, dont les grands-parents maternels ont fui la Russie après la Révolution, l'a rencontré à Moscou.

Né Edouard Savenko le 22 février 1943, il a dix ans à la mort de Staline. C'est lui qui prend le nom de guerre Limonov, tiré du mot qui signifie «grenade» --celle qui explose-- en russe.

Il a été voyou en Ukraine, idole de l'underground soviétique, clochard puis valet de chambre d'un milliardaire à Manhattan. Ecrivain branché à Paris, soldat perdu dans les guerres des Balkans puis vieux chef charismatique d'un parti de jeunes desperados, le parti national-bolchevik.

«Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud. Je suspends pour ma part mon jugement», explique Emmanuel Carrère qui se met aussi en scène dans le roman, ainsi que sa mère, l'historienne et académicienne Hélène Carrère d'Encausse, spécialiste de la Russie.