Après un cycle romanesque très sombre - Le vide, Hell.com et Contre Dieu - Patrick Senécal avait besoin d'un vent d'air frais. En se lançant pour la première fois dans l'écriture d'une série, Malphas, cet ancien prof de littérature compte bien utiliser son humour noir pour nous plonger dans l'univers étrange d'un cégep en région qui dévore, littéralement, ses étudiants...

La dernière fois que nous avions rencontré Patrick Senécal, il parlait déjà de Malphas, qu'il qualifiait de «Virginie sur l'acide». Depuis 10 ans, il conservait dans ses tiroirs le canevas de cette histoire qui a finalement pris forme une fois sa crise de la quarantaine terminée. «J'ai besoin d'avoir du fun, dit-il. Ça demeure fantastique, dark, extrême, mais tout ça à travers la dérision et des personnages disjonctés. Les gens ne connaissent pas mon humour. C'est facile de tomber dans l'idée que les gens se font de toi, un auteur de thrillers trash et heavy. Les gens en veulent plus et le danger est de renchérir. Je trouve dangereux de donner aux gens ce qu'ils veulent. Et moi, je ne m'étonnerais plus, ce qui n'est pas très intéressant pour un écrivain.»

Oui, c'est un Senécal en mode baveux qu'on découvre dans le premier tome de la série Malphas, Le cas des casiers carnassiers. Pour cela, il passe par son personnage principal, Julien Sarkozy (ce nom de famille absurde est voulu), muté au Cégep de Malphas à Saint-Trailouin, qui, comme son nom l'indique subtilement, est un trou perdu en région. Pratiquement tous les profs qui y enseignent ont un passé louche qui ne leur laisse que Malphas comme option de carrière, et ça inclut Sarkozy. Le taux d'échec record n'est pas le seul problème à Malphas, puisque dès le premier jour de classe commence une série de meurtres horribles, quand on découvre les corps broyés d'élèves dans des casiers. Et Julien Sarkozy comprend rapidement que Saint-Trailouin n'est pas un bled ordinaire...

Patrick Senécal ne sait pas encore combien de tomes exigera sa série, mais il en connaît la ligne directrice et le dénouement. «Ça n'a pas d'allure!», prévient-il. De toute évidence, il s'amuse beaucoup. Et, comme ancien prof de littérature au cégep, il connaît bien son univers. «Ce qui est le fun, c'est que c'est un milieu où il y a des adultes et des ados. Les personnages sont renouvelables à l'infini. Mais tant qu'à faire de l'humour, je ne voulais pas que ce soit politically correct. Ce n'est pas gentil, ce n'est pas cute. Ce ne sont pas des profs modèles, ils prennent de la drogue, ils couchent avec leurs élèves, ils trichent...»

L'écrivain est un kid

Patrick Senécal, qui s'est réinstallé à Montréal avec sa petite famille l'été dernier, n'est plus professeur depuis quatre ans, tout simplement parce que ses affaires vont trop bien. Il est l'un des écrivains les plus populaires du Québec, plusieurs de ses romans ont fait l'objet d'adaptations pour le cinéma (Sur le seuil, 5150 rue des Ormes, Les sept jours du talion) ou sont en cours d'adaptation (Le vide, Hell.com). «Je fais plus d'argent comme écrivain que lorsque j'étais prof, confesse-t-il, heureux de son sort. Des fois, je me pince. Je m'arrête et je me dis: est-ce que tu te rends compte de ce qui t'arrive? Je veux m'en rendre compte, parce que c'est quand tu tiens ça pour acquis que tu peux devenir insupportable. Chaque fois que j'écris, je dois redevenir le kid que j'étais au début, qui trippe à raconter des histoires. Il faut être un kid pour écrire des romans comme Malphas

L'écrivain avoue qu'il s'ennuie parfois de l'enseignement, mais pas de ce qui entoure le métier, particulièrement le rythme infernal des corrections de travaux. Cela ne fait pourtant pas de Malphas une série où il règle ses comptes avec son ancien milieu de travail. «C'est trop exagéré et caricatural pour que quelqu'un se reconnaisse là-dedans», dit-il. En revanche, il admet que par la voix de Julien Sarkozy, son alter ego «à la puissance 10 000», il passe quelques messages, plus particulièrement aux nombreux ados qui lisent ses romans. Le personnage le plus drôle de Malphas est sûrement Simon Gracq, un étudiant dont la syntaxe est tellement atroce lorsqu'il parle qu'il donne au lecteur à la fois la migraine et le fou rire.

«Je sais que je suis lu par beaucoup d'adolescents, mais ce n'est pas une raison pour que je sois fin avec eux. Je veux montrer que des fois, cette espèce d'inculture que les ados érigent comme un trophée, c'est déconcertant et exaspérant. Tout ce que dit Sarkozy, je le pense.» Qui de mieux qu'un kid peut parler aux ados? Avec un peu de sang et de suspense, ça passe encore mieux!

Malphas T.1 - Le casdes casiers carnassiers

Patrick Senécal

Alire, 337 pages

En librairie jeudi