Avec Stigmates et BBQ, présenté comme un pastiche trash de Mange, prie, aime, Stéphane Dompierre propose un roman-piège à ses nombreuses lectrices qui ne retrouveront pas ici la magie romantique de la Toscane, mais un roman d'aventures irrévérencieux, dans le style habituel de son auteur.

En seulement quatre romans, Stéphane Dompierre s'est imposé dans le club très sélect des écrivains québécois à succès. Son lectorat aime sa simplicité, son humour, sa vision parfois cynique et très crue des choses. «Les contes de fées arrêtent pour moi au moment où l'histoire commence, dit-il. Après «ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants», j'ai envie de dire, heu, attendez une minute... C'est là que ça devient intéressant.»

Pas de conte de fées dans Stigmates et BBQ, son nouveau roman. Nathalie Duguay, quadragénaire ordinaire qui n'a pas vécu grand-chose jusqu'à présent, est déçue d'avoir gagné dans un concours un voyage en Italie, alors qu'elle aurait préféré remporter un BBQ. Elle qui n'a jamais voyagé se retrouve donc à Sienne, en Toscane, à se mêler difficilement aux touristes, pas très curieuse des attraits de la ville. Mais voilà, des phénomènes étranges et des guérisons miraculeuses vont se produire, en même temps que naîtra une amitié coquine entre elle et Laura, qui a la moitié de son âge.

C'est du Dompierre, fortement contaminé par son récent pastiche de romans de piraterie, Morlante, heureux de créer des rebondissements, de faire rire son lecteur, de l'émoustiller et le choquer un peu, toujours en pointant le détail qui cloche. Aucune longue description des beautés de l'Italie, plutôt des anecdotes révélatrices qui détonnent dans le portrait idyllique qu'on se plaît habituellement à faire.

«J'aime travailler avec ce que le lecteur sait déjà, je ne suis pas descriptif. La magie de la Toscane, on l'a déjà en tête. Ce sont les détails qui m'amusent. Par exemple, quand tu découvres que tous les petits besoins des passagers en train tombent directement sur les rails. Quand j'ai fait mon voyage en Italie, j'avais cette image-là des rails couverts de merde dans la magique Toscane...» En ce sens, il estime avoir une parenté d'écriture avec Louis-José Houde. «Les détails du quotidien, c'est là-dedans qu'on vit vraiment», note-t-il.

L'immobilisme et le mouvement

Pour la première fois, Stéphane Dompierre écrit d'un point de vue féminin, après avoir été surtout associé à la bohème et la dérive de gars trentenaires. «C'est arrivé naturellement, explique-t-il. J'avais commencé ce roman avec un personnage masculin, mais ça ne fonctionnait pas, j'étais bloqué. En changeant pour un personnage féminin, tout est devenu clair.»

Il confesse cependant avoir fait un grand travail éditorial avec ses deux éditrices, afin d'aller au plus vrai de la psyché féminine. «J'ai aussi beaucoup d'amies de filles, et je suis assez silencieux dans les conversations, souligne-t-il, sourire en coin. J'écoute et j'essaie de ne pas faire de mauvaises blagues.»

Malgré tout, ce personnage, Nathalie Duguay, comme tous ses autres personnages d'ailleurs, c'est un peu une part de lui-même. La part qui «a eu peur de faire certains choix dans la vie». Dans ses blocages, Nathalie ressemble pas mal au narrateur de son premier roman, Un petit pas pour l'homme, qui avait propulsé Stéphane Dompierre comme nouveau «jeune auteur» en vue. «J'aime l'opposition entre l'immobilisme et le mouvement, ça alimente tout ce que j'écris, dit-il. Nathalie arrive à 40 ans, et si à cet âge tu n'as pas encore bougé, ça te prendra des éléments extérieurs pour le faire.»

Stéphane Dompierre, lui, a bougé dans la trentaine. Il a tout quitté pour se lancer dans l'écriture et, aujourd'hui, ne vit que de sa plume, un pari risqué et difficile au Québec. Deux contrats sur lesquels il comptait ayant été annulés l'an dernier, il a dû vendre ses REER pour terminer Stigmates et BBQ. Dans un monde idéal, il ne vivrait que de l'écriture romanesque, mais il avoue aimer écrire ses chroniques pour le magazine Elle Québec ou le site de Yahoo!, où son humour le sert bien. Bref, il a fait son choix: écrire pour vivre et vivre pour écrire.

Lui qui a offert dans ses romans une vision assez sombre de l'amour est aujourd'hui en couple et amoureux. «Je n'ai pas de crise de la quarantaine, c'est plus la trentaine qui a frappé fort pour moi. Malgré tout, je vis l'amour de façon candide, je ne me protège pas, et j'y crois.»

Tout de même, il lui reste à terminer la trilogie entamée avec Un petit pas pour l'homme et poursuivie avec Mal élevé. Il annonce un «bréviaire des amours de merde» mettant en scène les personnages des deux romans précédents. «Ce sera un livre très noir sur l'amour, et j'aimerais l'écrire vite, car je n'ai pas envie de passer trois ans dans ces émotions-là. Mon histoire de merde y sera, car nous avons tous connu des amours de merde.» Stéphane Dompierre ne change pas.

Stigmates et BBQ

Stéphane Dompierre

Québec Amérique, 249 pages