Le Caveau-Théâtre de Trois-Pistoles a repris vie cet été grâce à Victor-Lévy Beaulieu, qui a concocté une toute nouvelle pièce sur mesure pour sauver l'établissement qui lui est cher.

«Quand je suis arrivé aux productions théâtrales à la mi-février, il n'y avait aucune pièce de prévue et 30 000$ de dettes. On devait déposer le bilan, le caveau était un peu à l'abandon et c'était assez décourageant. J'ai écrit la pièce en fonction de la réouverture, de la renaissance du théâtre. Je l'avais en tête depuis quelque temps. Je me suis mis à l'écrire le soir et à travailler le jour pour trouver de l'argent et payer les dettes. L'un dans l'autre, ce n'est pas si mal! Surtout quand on sait que la ville de Trois-Pistoles nous a aidés d'une manière incroyable avec un gros 2500$», explique avec ironie Victor-Lévy Beaulieu. «Je me suis engagé en disant qu'à la fin de l'été, non seulement il n'y aurait plus de déficit, mais qu'on devrait aussi dégager un petit profit», ajoute-t-il.

Auteur d'une quinzaine de pièces de théâtre, dont plusieurs ont été jouées au Caveau-Théâtre, comme La maison cassée, L'héritage et La guerre des clochers, Victor-Lévy Beaulieu a également un attachement émotionnel à l'endroit.

«C'est un ancien caveau où on entreposait des patates. Mon père travaillait là quand j'étais jeune, il triait des patates pour un petit salaire de crève-faim, et on était 11 enfants à la maison. Il demandait parfois au directeur de lui vendre au rabais une poche de patates un peu abîmées. Mais son patron préférait les vendre plus cher à des cultivateurs pour en faire de la nourriture pour leurs cochons. L'ironie de la chose, c'est que c'était mon oncle. Pour moi, de m'entêter à garder le Caveau-Théâtre, c'est une façon de passer d'une agriculture moribonde à une culture.»

Conte autobiographique

Les menteries d'un conteux de basse-cour est un monologue mettant en vedette Abel Beauchemin, alter ego de Victor-Lévy Beaulieu, racontant sa vie, de sa naissance à Saint-Paul-de-la-Croix, à son adolescence en passant par sa petite enfance. Des anecdotes parfois cocasses et drôles sur la famille Beauchemin, mais aussi émouvantes parce qu'Abel n'est pas un enfant comme les autres, et se passionne pour les animaux avec qui il entretient un rapport privilégié.

«Je me suis servi des faits dont je parlais dans Race de monde et Ma vie avec les animaux qui guérissent. Généralement, quand on met dans un titre un mot comme «menteries», ça veut plutôt dire qu'il n'y en a pas beaucoup. La part d'autobiographie est d'au moins 85%. Ce ne sont que des choses que j'ai vécues ou qui ont été vécues par mes parents et mes proches. Il n'y pas beaucoup de choses inventées, mais comme c'est de l'écriture, ça va plus loin que la simple anecdote. Ça devient de la symbolique théâtrale qui te permet d'aller plus profond. Les deux musiciens sont là pour rythmer cette vie-là selon les évènements qui se sont produits, parce que je viens d'une famille de musiciens. Nos parents nous parlaient très peu, ils avaient tendance à nous tourner le dos et quand ils s'exprimaient, c'était par la musique, leur seul exutoire. Ils représentent les deux parents d'Abel, mais jeunes.»

Isabelle Cadieux-Landreville, à l'accordéon, représente la mère d'Abel Beauchemin, alors que Félix Charbonneau, au violon, représente son père, tous deux à l'apogée de leur jeunesse.

«J'ai donné mes idées pour les chansons et Reynald Robinson, le coach à la mise en scène, et Jean Maheux ont ajouté leur grain de sel. J'ai passé en auditions les musiciens. J'ai choisi un monsieur de Saint-Mathieu-de-Rioux, luthier de profession, mais qui radoube des voiliers, et une jeune file de Rimouski qui est une virtuose de l'accordéon à seulement 21 ans», précise-t-il.

Jean Maheux en vedette

Amateur de la première heure des oeuvres de Victor-Lévy Beaulieu, Jean Maheux a tout de suite voulu incarner Abel Beauchemin. «Victor est quelqu'un de pas ordinaire. J'ai été particulièrement touché par ses derniers ouvrages. Il a commencé une espèce d'introspection que je ne l'avais jamais vu faire dans Bibi. En février, mon agent m'a dit qu'il cherchait quelqu'un pour un monologue pour son théâtre. J'ai voulu le lire et je suis vraiment tombé en amour avec son texte. Ça m'a interpellé, surtout dans la manière dont il traite l'intimité d'Abel. Il n'est pas question de désenchantement et il montre une candeur et une naïveté assez troublantes. Les gens s'amusent et rigolent. Victor est sûrement à un tournant de sa vie, car il se livre à une plus forte dose d'autodérision que dans ses ouvrages précédents, avec un humour plus franc et à découvert. Il se montre tel qu'il est sans coup de gueule pour se cacher», conclut Jean Maheux.

On retrouvera le comédien au printemps 2012 sur les planches du Théâtre du Rideau Vert dans le prochain théâtre musical de Denise Filiatrault, Une vie presque normale.

Les menteries d'un conteux de basse-cour, du mercredi au samedi, 20h30, au Caveau-Théâtre de Trois Pistoles.