Louis Gauthier n'est pas un homme à précipiter les choses. L'auteur a fait un voyage en 1979, et revisite ce voyage 31 ans plus tard avec la sortie de Voyage au Maghreb en l'an mil quatre cent de l'Hégire, qui fait le récit d'une portion de son errance amorcée d'abord en Irlande pour se conclure en Italie dans des circonstances frôlant la catastrophe financière.

Après Voyage en Irlande avec un parapluie (1984), Le pont de Londres (1988) et Voyage au Portugal avec un Allemand (2002), il manquait un chapitre au cycle pour compléter le récit de la quête de l'Inde de l'écrivain paumé qui avait quitté le Québec pour se découvrir et fuir une relation amoureuse qui semble être terminée, mais dont le personnage (et l'auteur) entretient le flou.

Le cycle est donc le compte rendu d'un voyage qui a marqué Louis Gauthier. «C'est un voyage qui avait été particulièrement difficile. Rendre compte de la vérité d'un voyage. Ce qu'on ne montre pas généralement. Le côté plate, le côté long. Je voulais raconter comment c'était, ce que j'ai vécu, sans trop tricher. On triche toujours. Un livre est livre et la vie, c'est la vie. C'est deux choses différentes.»

Louis Gauthier est un orfèvre des mots. Il cisèle ses phrases avec patience, les réduits à sa plus simple expression. Il part d'une phrase, d'un paragraphe, d'une idée et réécrit en enlevant tout ce qu'il y a de superflu. C'est une habitude héritée de ses années de travail comme concepteur publicitaire dans plusieurs agences, notamment chez Cossette communications et BCP, où chaque mot compte, où chaque phrase doit résonner comme un jingle musical. «Lorsque j'écris, je fais un premier jet. Je me relis ensuite et je coupe. Parfois, il ne reste plus rien. Je recommence et je reformule. C'est un système qui engendre beaucoup de pertes de temps. Je me donne beaucoup de matériau, puis je coupe», dit-il.

Il en résulte des textes d'une limpidité sans reproche. Les structures de phrases demeurent simples sans être simplistes. Il en ressort surtout un récit qui fait plonger le lecteur dans le même dépaysement que le personnage dans sa quête de soi. Au fur et à mesure qu'il va d'une ville à l'autre: de Marrakech à Alger en passant par mille détours et autant de rencontres, puis d'Alger vers Tunis dans des autocars sous la chaleur suffocante, tout y est. Bien calé dans notre fauteuil, nous sommes propulsés dans le même car que lui.

Feuille de route

L'auteur possède une feuille de route chargée. Sorti de l'Université de Montréal en 1967, l'année de la parution de son premier livre, il a écrit quelques chansons pour des amis. Il a écrit les dialogues du film Valérie de Denis Héroux avant de faire paraître le roman humoristique et surréaliste Les aventures de Sivis Pacem et Para Bellum en 1970. Dans la décennie qui suivra, il aura un parcours pour le moins biscornu en faisant paraître le roman Les grands légumes célestes vous parlent, en s'associant à différentes agences publicitaires et même en travaillant comme chauffeur de taxi.

C'est à la fin des années 70 qu'il partira pour un voyage mû par le désir de se rendre en Inde et qui débouchera sur les quatre livres du cycle du Voyage en Inde avec un grand détour. La sortie des livres s'est donc étendue sur 27 ans, de 1984 à aujourd'hui. Montréal lui a d'ailleurs remis le Grand Prix littéraire de la Ville pour Voyage au Portugal avec un Allemand.

Au cours des 20 dernières années, Louis Gauthier a animé le monde littéraire, entre autres, en présidant l'Union des écrivains du Québec (UNEQ) en s'impliquant dans une multitude de jurys et d'organismes pour le respect des droits d'auteur. Il a également traduit un grand nombre d'ouvrages.

Il n'écarte pas l'idée d'un cinquième livre pour compléter ses récits de voyage. «Je pense à une suite, qui serait en fait différente du reste. Qui aurait lieu avant le départ. Pour expliquer le contexte et les raisons du voyage.»

Après de nombreux détours, le sexagénaire a finalement visité l'Inde au début de l'année. De la nourriture spirituelle et matérielle pour un nouveau cycle? L'auteur ne balaie pas l'idée d'un revers de main. «Faudra voir. J'ai pris des notes et cette fois-ci, l'idée était plus présente que lors du voyage précédent, mais c'est tôt pour y penser.»

Le temps devra, une fois de plus faire, son oeuvre.

Voyage au Maghreb en l'an mil quatre cent de l'Hégire

Louis Gauthier Fides, 187 pages

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