Ils écrivent à la main ou à l'ordinateur. Mais ils ont tous un jour « pondu » à la machine à écrire. Pour le meilleur et pour le pire.

Dany Laferrière

Il est resté loyal à sa Remington 22 jusqu'au Cri des oiseaux fous, paru en 2000. «Pendant longtemps, je ne pensais pas que l'ordinateur pouvait se rendre jusqu'à la littérature, confie-t-il. L'ordi, c'était pour les essais, les articles, mais pas pour l'écriture elle-même.» Maintenant qu'il a fait le saut, les voyages à la papeterie, les rubans à changer et le liquid paper ne lui manquent pas. Mais il n'a pas encore été conquis par l'informatique. «Avec l'ordinateur, on a perdu une sorte de fétichisme. Il y a quelque chose d'extrêmement propre qui est entré dans la littérature, qui donne l'impression que le travail est fait plus rapidement que quand tout était barbouillé et qu'on voyait l'effort... Cela dit, l'ordinateur va sûrement créer son propre romantisme...»

Marie Laberge

Elle a commencé sa carrière sur une Remington. Mais elle est vite passée à l'écriture manuscrite. Tous ses romans ont été écrits à la main. «Chez moi, l'acte créateur ne passe pas par la machine. Le clavier ne m'a jamais attirée. L'ordinateur n'est pas sans qualités, mais j'aime les ratures. J'aime le silence. J'aime que le corps soit penché sur des feuilles. La disparition de la dactylo ne m'arrache pas le coeur. Par contre, s'il n'y avait plus de papier et de plume, là je pleurerais.»

Marie-Claire Blais

Elle a écrit ses huit derniers livres à l'ordinateur. Mais le reste de son oeuvre a été créé à la machine à écrire. «À la main, ça me semblait trop long, alors j'ai tout de suite adopté la machine à écrire. J'avais une grosse Underwood. Je me souviens de l'acharnement. Pour corriger, je devais souvent recommencer la même page. Et puis, il y avait ce son ferrailleux, pas très agréable. Mais c'est un objet que j'appréciais beaucoup... L'ordinateur est peut-être plus facile sur le plan pratique, mais il faut travailler autant. Moi, ça n'a pas changé ma façon d'écrire, je sais juste que je travaille moins durement.»

Victor Lévy-Beaulieu

Il a pondu ses premiers romans, jamais publiés, sur une machine louée aux Frères des écoles chrétiennes. Mais après, il a toujours écrit à la main. «Je n'ai pas été capable de m'habituer à l'ordinateur, ça va trop vite, admet l'auteur. L'avantage d'écrire à la main, c'est le mouvement physique d'écrire. Ça permet de corriger une phrase avant même de l'avoir écrite... Certains de mes collègues sont passés à l'ordi, mais je trouve que leur style a changé. C'est devenu plus stéréotypé. Moins lyrique.»

Marie-José Thériault

Elle garde une grande affection pour la machine à écrire, même si elle a depuis longtemps fait le saut à l'ordinateur. «C'est une perte qui retient de la nostalgie, avoue la fille d'Yves Thériault. Quand j'étais petite, mes deux parents écrivaient et la machine roulait presque 18 heures par jour à la maison. C'était un travail extrême, épuisant et chronophage. Pour corriger, ils copiaient et collaient littéralement des paragraphes avec des pots de colle... Avec l'ordinateur, on peut repriser un texte à l'infini. Le rapport au texte est différent. Plus immatériel et moins viscéral.» Avis aux chineurs: l'auteure collectionne aussi les machines à écrire. Si vous voyez une Valentine rouge d'Olivetti, faites-lui signe. C'est le modèle qui lui manque.

Photo: archives La Presse

Marie-Claire Blais