Après avoir publié au cours des dernières années une saga scientifique en deux parties et un roman inspiré de la Résistance, Marc Levy revient au romanesque qui est sa marque de commerce. L'étrange voyage de M. Daldry, qui se déroule en 1950 entre Londres et Istanbul, suit le périple d'un drôle de couple, voisins de palier en quête d'amour et d'identité.

En promotion à Montréal pour la sortie de son 12e roman, l'auteur français dont le nom est synonyme de records de vente - le cap de 23,5 millions d'exemplaires vendus dans le monde a été franchi en 12 ans - affirme ne pas voir cela comme du nécessaire service après-vente, mais une occasion de rencontrer ses lecteurs et les journalistes. «Ce serait insolent, maintenant que j'ai du succès, de dire que je n'ai plus besoin d'eux.»

En entrevue pourtant, l'auteur de Et si c'était vrai est poli mais distant. S'il prend le temps de réfléchir aux questions, les réponses sont brèves: on sent son esprit préoccupé par de nombreux autres sujets et il se prête au jeu avec une certaine nonchalance. Il soutient malgré tout que si l'horaire de tournée est parfois fatigant, la ronde des entrevues, elle, n'est jamais lourde. «C'est moins lourd que de travailler à la mine... Je sais que je suis privilégié.»

Marc Levy aime le flegme anglais, l'humour au deuxième degré et l'élégance. C'est pourquoi il a choisi des héros britanniques - qui ne sont plus des «jeunesses», se vouvoient et correspondent par courrier pendant la dernière partie du roman- et décidé de camper son histoire au milieu du XXe siècle, une époque de très grande modernité, juge-t-il, mais où «le temps avait le temps de s'exprimer».

«C'est un rythme où la pensée allait à la même vitesse que l'information. J'avais envie d'un roman de sensualité, de lenteur, de parfum». Un pari d'écriture, d'ailleurs: les odeurs sont très importantes dans L'étrange voyage de M. Daldry, puisque le personnage féminin principal est ce qu'on appelle un «nez». «Ça me fascine parce que la mémoire olfactive est la seule qui ne s'efface pas. Le métier d'écrivain est de faire naître des images avec des mots. Le défi était, cette fois, de faire surgir des odeurs et d'éveiller les souvenirs des lecteurs.»

Quête de soi

Istanbul, ville mystérieuse et romantique, était le berceau idéal de cette histoire dans laquelle Ethan Daldry, quinquagénaire un brin grognon, accompagne Alice, sa charmante voisine, dans un voyage où elle croit pouvoir trouver l'homme de sa vie, mais où finalement elle retracera ses origines douloureuses. À une époque où on parle beaucoup d'identité nationale, Marc Levy avait envie d'écrire sur la quête de soi. «Le mal-être des gens vient probablement de la disparition de l'identité à l'échelle individuelle.»

Pour l'auteur de 49 ans, chaque personne porte une histoire différente de celle qui est écrite. «On passe son enfance et son adolescence à enfouir nos différences, pour ensuite dérouler le fil de notre enfance afin de retrouver notre identité.» Un chemin qui peut être douloureux quand on le vit, mais passionnant à regarder. C'est d'ailleurs ce que fait Daldry en observant de son oeil protecteur la quête d'Alice. «Mais les deux endossent les deux rôles, répond Marc Lévy. Ils sont tous deux lecteurs et révélateurs de l'autre, et son incapables de tirer leurs fils tout seuls.»

Dans leur long périple, Daldry et Alice croiseront le chemin d'une voyante - celle par qui tout commence-, mais aussi celui d'un guide bienveillant, d'un consul accommodant, d'un parfumeur génial... Le hasard et le destin sont encore au coeur de ce 12e roman de Marc Levy. «Dans chacun de mes romans, les personnages sont confrontés à des situations qui les dépassent et leur humanité se révèle quand ils ont traversé une épreuve. Le destin n'est pas le sujet principal de mes livres, mais un miroir tourné vers le présent, sans pourtant qu'il soit déterminant sur l'histoire. C'est un réflecteur qui amène de la lumière sur le sujet.»

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L'étrange voyage de monsieur Daldry, Marc Levy, Robert Laffont, 422 pages