Si vous pensez que les lauréats du prix Nobel sont des gens nobles qui habitent un monde supérieur, Solaire, le plus récent roman du Britannique Ian McEwan, risque de vous décevoir. Son héros Michael Beard, malgré ce grand honneur, est un petit magouilleur prêt à vendre son savoir déjà un peu périmé, un adultère en série, un narcissique confirmé. Qu'il soit irrésistible aux femmes nous laisse perplexe. C'est son intelligence qui les attire, peut-être, ou son côté paternel, qui sait. Il est passé à travers cinq mariages, et vient de mettre enceinte une nouvelle fiancée qui lui a joué un petit tour, lui qui avait toujours refusé la paternité.

On fait de bons romans satiriques avec de tels personnages. À certains moments, l'auteur de Solaire hésite entre le roman comique, avec comme fond la chasse aux énergies durables, et l'étude psychologique de Beard, un homme aussi seul qu'un des électrons qu'il a étudiés dans sa quête du prix Nobel de physique. À la fin, la critique sociale prend le dessus. McEwan est un maître satiriste; il tire sur tout ce qui bouge, et manque rarement ses cibles.

Beard, cet homme qui arrive à 60 ans, gros et chauve, hypocondriaque, est consommé par la jalousie. Et avec raison: sa cinquième femme a décidé de lui rendre la monnaie de sa pièce en couchant avec leur entrepreneur en rénovation puis, pour achever sa vengeance, avec Aldous, le jeune collègue de Beard. Le vieux prof veut riposter, mais il manque de force physique (oui, pour un Prix Nobel de physique...). Survient un funèbre accident, dont il se sert pour enlever les deux prétendants de son chemin. Oui, il y a mort d'homme, mais sous la plume de McEwan, la mort a un aspect irréel, risible.

À part celle d'adultère, Beard mène une deuxième carrière de magouilleur. Énergies renouvelables, changements climatiques -tout est à vendre. Il changerait son opinion pour toucher un cachet plus généreux -dont il n'a pas besoin, car il vit comme un ermite, un vieux garçon, mangeant sur le bord de la table. La science est une foire, une fête foraine, selon McEwan, et à chacun d'en profiter comme il peut. Le prestige du prix Nobel n'est qu'une occasion à saisir. C'est un tout autre scénario qu'un de ses romans précédents, Samedi, qui mettait en scène un neurochirurgien quasiment christique, qui travaillait à sauver un homme qui avait violenté sa famille.

La seule qui échappe à l'intelligence satirique de Ian McEwan, c'est Melissa, la dernière aventure de Beard, et la seule femme à soutirer un enfant de lui. C'est par pure volonté et pure bonté d'âme qu'elle a su garder Beard, même s'il n'est qu'un mari à temps partiel.

Bien sûr, un tel profiteur va tôt ou tard s'attirer des ennuis. Et ça lui arrive au pire moment, lorsqu'il est sur le point de mener une grosse affaire d'énergie solaire dans le désert du Nouveau-Mexique. Car tout pécheur doit payer, et Beard ne fait pas exception à la règle.

Solaire

Ian McEwan

Gallimard, 390 pages

***1/2