André Pratte en savait très peu sur Wilfrid Laurier lorsque John R. Saul lui a demandé d'écrire une biographie de l'homme politique canadien. «Comme tout le monde, je savais qu'il avait été le premier Canadien français premier ministre du Canada, que c'est lui qui a dit «Le XXe siècle sera le siècle du Canada», mais c'était à peu près tout», confie l'éditorialiste en chef de La Presse.

André Pratte a accepté de mettre son talent de journaliste au service de l'Histoire, et au bout de deux ans de recherche - en plus de son travail à La Presse -, il est maintenant intarissable sur le sujet. «Ce qui m'a frappé, c'est que c'est un homme super important dans l'histoire du pays, et qu'on en sache si peu sur lui.» Wilfrid Laurier a été député de 1877 à 1919, chef du Parti libéral du Canada de 1887 à 1919, et premier ministre pendant 15 ans. En 205 pages, il fait le tour du personnage, de sa naissance dans les Laurentides en 1841 à sa mort en 1919 à Ottawa.

«J'ai appris à le connaître, souligne André Pratte, mais je ne crois pas apporter de nouvelles informations sur lui.» C'est plutôt l'angle qu'il a adopté qui est différent et qui donne un autre éclairage sur un homme qui a marqué le pays. «Le plus fascinant est peut-être ce duel entre Laurier et Henri Bourassa. C'est un épisode typique de notre histoire, qui est toujours déchirée entre deux idées, portées par deux personnages très forts pour les représenter.»

Wilfrid Laurier n'est aucunement une biographie romancée, précise André Pratte, qui a épluché archives et correspondance et affirme n'avoir pris aucune liberté avec l'histoire. «Si je ne le savais pas, je ne l'ai pas écrit.» Il a préféré vérifier, se documenter, colliger. «Avant d'écrire sur l'attitude de Laurier face à la guerre des Boers, par exemple, il fallait que je me documente sur cet événement.»

Mais pas question de broder sur l'ambiance lors d'une réunion importante, ou d'interpréter les faits. «Par exemple, sur les photos des funérailles de Laurier, qui ont eu lieu en février, on voit les gens dehors qui sont habillés très légèrement. Si j'avais voulu romancer, j'aurais raconté que le public avait bravé le froid pour lui rendre hommage. J'ai plutôt vérifié dans les archives d'Environnement Canada pour apprendre qu'en fait, cette journée-là était exceptionnellement chaude.»

Mais pourquoi lire sa biographie plutôt qu'une autre? «Parce qu'elle est courte, d'abord! Ce n'est pas tout le monde qui a le temps de lire un livre de 600 pages.» C'est d'ailleurs le but de cette collection publiée chez Boréal, mais créée par John R. Saul chez Penguin: faire le portrait d'un personnage marquant de l'histoire du Canada, dans un format grand public et accessible. Une bio de Louis Riel et Gabriel Dumont, écrite par l'excellent écrivain métis canadien-anglais Joseph Boyden, vient aussi tout juste de sortir en français.

De toute façon, croit André Pratte, il n'est pas inutile que plusieurs biographies d'une même personne existent. «Ça se fait beaucoup en France, aux États-Unis. Chaque année, par exemple, il y a une nouvelle bio de Lincoln sur le marché. Pour quelqu'un comme Laurier et pour cette époque-là, ça se justifie amplement.»

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Wilfrid Laurier. André Pratte. Boréal, 205 pages.