Salué dès ses premières parutions, après quinze ans de lutte pour être édité, le romancier Roger Jon Ellory dépeint dans de sombres fresques une Amérique meurtrière et rongée par la culpabilité, loin de l'Angleterre qui l'a vu naître.

«J'écris sur les États-Unis parce qu'ils ont le FBI, la CIA, Hollywood, Las Vegas et New York, Elvis et le jazz, la mafia, la peine de mort, Marilyn et les Kennedy», énumère-t-il à l'AFP en marge du festival Quais du Polar à Lyon, dans le centre de la France, dont il est l'une des têtes d'affiche.

«Alors que l'Angleterre a le thé, les vertes pelouses et les églises de campagne, les sandwiches au jambon et le Seigneur des Anneaux», complète dans un sourire espiègle le romancier de 45 ans, carrure massive, chevelure et barbichette rousse.

La vie de cet enfant de Birmingham, qui n'a jamais connu son père et a perdu sa mère à sept ans, n'a pourtant rien de paisible: envoyé en pension avant d'être confié à sa grand-mère, il est emprisonné à 17 ans pour... avoir dérobé des poulets dans un monastère.

Tôt passionné de lecture, il s'efforce dès sa sortie de prison de «faire quelque chose de créatif» et étudie la philosophie, le graphisme, la photographie et la musique, tout en dévorant les oeuvres de Conan Doyle et Stephen King.

«Le 4 novembre 1987», ce travailleur acharné se met à écrire. Jusqu'en juillet 1993, il ne s'accorde que trois jours de pause - le temps de divorcer de sa première épouse - et boucle 22 romans, qui lui valent «environ 500 lettres de refus».

«Les éditeurs ne voulaient pas publier des livres écrits par un Anglais qui se passent aux États-Unis», explique-t-il. Ellory paie sa singularité dans un genre littéraire marqué par la géographie, où les auteurs s'identifient souvent à leur ville, voire leur quartier d'origine.

Criblé de dettes, il enchaîne les petits boulots - chanteur de rue, assistant d'anglais, photographe - et ne reprend l'écriture que fin 2001. Fort de ses «six ans d'apprentissage», il parvient cette fois à séduire l'éditeur britannique Orion, qui publie Candlemoth en 2003.

Le succès est immédiat et sept autres romans suivent, traduits en 25 langues. Le même enthousiasme accueille ses trois romans parus en français chez Sonatine, Seul le silence, Vendetta et Les anonymes, le premier étant en voie d'adaptation au cinéma par Olivier Dahan, le réalisateur de La môme.

Du drame intimiste à l'histoire de la mafia, les récits d'Ellory multiplient les thèmes mais creusent un même sillon: celui de l'histoire américaine, ses crimes et ses non-dits, dans un style ample, souvent poignant et délibérément lent.

«La vitesse ne m'intéresse pas. Je veux connaître les personnages, parcourir les rues, décrire leurs parfums. Je veux que le lecteur soit impliqué émotionnellement, comme s'il avait rencontré quelqu'un», insiste le romancier, qui prend plaisir à bâtir ses intrigues «au fur et à mesure».

Entraîné depuis des années à produire «3000 à 5000 mots par jour» et à boucler un roman «en dix semaines», le Britannique a pour la première fois décidé de s'accorder des vacances... le temps d'écrire «un scénario et de la musique».

«J'aimerais faire plus de scène parce que c'est un engagement plus direct, plus intense que la littérature», souligne Ellory, avant de décrire le style des «Whiskey Poets», son groupe de blues: «Pour trois vieux, on fait pas mal de bruit...»