L'écrivain David Vinas, auteur du classique Les maîtres de la Terre (1958), qui avait osé s'attaquer à toutes les vaches sacrées de son pays, dont Jorge Luis Borges, est mort dans la nuit de jeudi à vendredi à l'âge de 83 ans, a annoncé vendredi une clinique de Buenos Aires.

Depuis la revue Contorno, dans les années 50, Vinas prônait une littérature engagée et représentait une génération qu'on a qualifiée de «parricide» car elle réclamait un droit d'inventaire sur les grandes figures de l'histoire et de la littérature du pays sud-américain.

Même le génial Jorge Luis Borges (1899-1986) ne trouvait pas grâce à ses yeux. «Le problème n'est pas tant l'oeuvre de Borges, mais le borgésianisme, qui est une sorte de Société Anonyme qui a fini par figer toute la production littéraire et culturelle» du pays, avait-il dit.

Dans sa série d'essais intitulés Littérature argentine et réalité politique, il s'en est pris également à la figure de l'homme d'État et écrivain Domingo Faustino Sarmiento (1811-1888), père de l'école publique et gratuite.

Pour Vinas, Sarmiento avait fini par représenter l'oligarchie des propriétaires terriens qui s'étaient servis de l'armée pour exterminer les indigènes et faire triompher une «civilisation» en adéquation avec leurs intérêts.

Proche par certains côtés des idées du péronisme au pouvoir, l'auteur de Corps à corps (1979) ne se voulait ni péroniste, ni proche du pouvoir. «Un intellectuel ne peut pas l'être», disait-il.

Il se voulait également détaché des choses matérielles: il a refusé en 1991 à la surprise générale une Bourse Guggenheim de 25 000 $ «en hommage à ses enfants» Maria Adelaida et Lorenzo Ismael, tous deux disparus pendant la dictature militaire (1976-1983).