En France, la rentrée littéraire de janvier est moins terrifiante que celle de l'automne: la saison des prix est terminée, et il y a moins de parutions. On ne dénombre cette année «que» 510 romans, 329 français et 181 étrangers. Sans compter quelques centaines d'essais.

Pas de bonne rentrée sans un petit scandale. De ce point de vue, l'année a démarré en trombe, avec cet énorme «plagiat» signé Patrick Poivre d'Arvor. Sa nouvelle biographie d'Ernest Hemingway, marquant le 50e anniversaire de sa mort, était déjà tirée à 20 000 exemplaires et le service de presse envoyé aux journalistes, lorsque L'Express révéla que sur 414 pages, une bonne centaine avait été «pompée» sur une bio américaine de référence, épuisée en France depuis 15 ans. Pilonnage du stock intégral, excuses embarrassées des éditions Arthaud auprès de la presse... et de PPDA: apparemment le «nègre» - pardon: le coauteur anonyme - fourni au célèbre journaliste et auteur prolifique n'avait pas fait preuve de grand professionnalisme. Embarras et ricanements dans le quartier de l'édition. D'autant plus que PPDA est maintenant accusé par une ancienne amante d'avoir reproduit intégralement et sans mention ni autorisation 11 de ses lettres enflammées dans son «roman» de 2009, Fragments d'une femme perdue. Procès le 9 février.

Revenons aux choses sérieuses. Au milieu de ce foisonnement, janvier reste le mois des talents confirmés et des valeurs sûres.

Au rayon des essais, se dégagent déjà quelques poids lourds. Chez Grasset, Laure Adler publie une nouvelle et importante biographie - sans hargne ni concession - de Françoise Giroud, grande dame du journalisme de la seconde moitié du XXe siècle, personnalité complexe et parfois sulfureuse. Sous le titre Françoise (492 pages). Intéressant et original: le journaliste Denis Cosnard s'est appliqué à retracer la «vraie» vie du mystérieux Patrick Modiano, romancier majeur de sa génération. Enquête sur les origines: un père juif et quelque peu collabo sous l'Occupation, une mère flamande, actrice à la Continental (maison de production allemande). Les secrets de fabrication d'une grande oeuvre en quelque sorte: Dans la peau de Patrick Modiano, Fayard, 288 pages.

Les mordus de Millénium se jetteront sur le témoignage de la «veuve non officielle» de Stieg Larsson, Eva Gabrielsson, qui, malgré 32 ans de vie commune, a été écartée de l'héritage du journaliste-romancier et du partage des droits d'auteur. Sous la plume de la journaliste Marie-Françoise Colombani, elle parle du disparu et règle ses comptes (Millénium, Stieg et moi, Actes Sud, 186 pages).

Autre sujet à polémique, mais plus grave: la Polonaise Agata Tuszynska, sous le titre Wiera Gran, l'accusée (Grasset, 295 pages), retrace le destin tragique de celle qui fut la grande chanteuse populaire du ghetto de Varsovie, notamment au célèbre café Sztuka, où l'accompagnait au piano un certain Szpilman («le pianiste» de Polanski, qui l'accabla à la Libération). Privilégiée au moins sur le plan matériel, survivante du ghetto, Wiera Gran fut poursuivie toute sa vie par des accusations de collaborationnisme. Un livre trop touffu mais passionnant.

Pour ce qui est des romans ou des oeuvres strictement littéraires, mentionnons d'abord l'omniprésence, dans les émissions de qualité à la radio et à la télévision, de Dany Laferrière pour la sortie de Tout bouge autour de moi (Grasset). Émissions d'actualité ou littéraires, Dany a tout fait pendant 10 jours. Et il a été couvert d'éloges dans Le Monde, Télérama, L'Humanité et tous les autres.

Mais la vedette incontestée de cette rentrée s'appelle, une fois de plus, Christine Angot, dont certains pensent, depuis longtemps, qu'elle est personnellement insupportable, mais souvent inspirée, et qu'elle a un véritable style à elle, ce qui est rare. Son précédent roman (Le marché des amants en 2008) était difficilement tolérable. La cuvée 2011 - Les petits, 188 pages, Flammarion - est portée aux nues par la critique. Avec raison.

Autres vedettes qui se détachent du lot. Le «Russe de Paris» Andrei Makine, prix Goncourt 1995 pour Le testament français, revient cette année avec un nouveau roman dont le sujet reste l'histoire tragique de son pays, de son enfance dans un orphelinat soviétique. Le Livre des brèves amours éternelles, publié au Seuil (204 pages) est fort bien reçu par la critique.

À 74 ans, l'increvable Philippe Sollers poursuit son cheminement ironique et égotiste. Son roman Trésor d'amour est, comme beaucoup de ses «romans» depuis Femmes, une sorte de journal intime un peu décalé, où les femmes, la culture, Venise et une pincée de politique occupent une place majeure. Et ça marche: dès sa sortie, le livre s'est retrouvé en bonne position dans la liste des meilleures ventes de L'Express.

Sachez pour terminer que le célèbre François Cavanna (Charlie Hebdo etc.) vient de publier à près de 88 ans un troisième tome de ses mémoires, sous le titre Lune de miel (Gallimard, 288 pages). Et que Pierre Assouline, principalement connu pour ses grandes biographies, sortira à la fin du mois un gros livre au titre et au sujet énigmatiques: Vies de Job (Gallimard, 496 pages). Entre biographie et réflexion sur les multiples figures du sombre prophète.