L'écrivain français Jean Dutourd, ancien résistant pendant l'Occupation par l'Allemagne nazie et féroce critique de l'air du temps, est mort lundi soir à l'âge de 91 ans à son domicile parisien, a-t-on appris de source policière.

Réactionnaire, provocateur, ronchon, ce membre de l'Académie française était devenu une figure familière de la littérature et des médias en brocardant pendant plus de 50 ans le conformisme et la médiocrité de l'époque.

Né le 14 janvier 1920, Jean Dutourd laisse une oeuvre marquée par une ironie caustique et les prises de positions tranchées d'un écrivain qui se disait nostalgique d'«une société agraire et littéraire».

Le président Nicolas Sarkozy a salué un «iconoclaste des lettres françaises», chez qui «la provocation n'a jamais éclipsé l'engagement et la profondeur de la pensée».

Cet homme moustachu, fumant la pipe, défenseur passionné de la langue française était entré à l'Académie française en 1978.

On doit à cet anarchiste de droite, ancien résistant et fervent admirateur du général de Gaulle, plusieurs dizaines de romans parmi lesquels Au bon beurre (Prix Interallié 1952), impitoyable portrait d'un couple de crémiers opportunistes sous l'Occupation, Les horreurs de l'amour (1963), Masacareigne (1977), Le séminaire de Bordeaux (1987), Portraits de femmes (1991), L'assassin (1993), Journal intime d'un mort (2004).

Pourfendeur de la science et du progrès, il aligne les essais polémiques et les odes à la France d'autrefois: De la France considérée comme une maladie (1982), Henri ou l'Éducation nationale (1982) ou La gauche la plus bête du monde (1985).

«Nous sommes, sans aucun doute, beaucoup plus bêtes aujourd'hui qu'il y a cent ans. Et d'une toute autre bêtise, expliquait-il. Celle du XIXe siècle était cartésienne... C'était une bêtise d'idées. Aujourd'hui, il n'y a plus d'idées, la bêtise est toute nue, fondée sur le vocabulaire: on dit n'importe quoi, du charabia, des choses qui n'ont pas de sens», disait cet érudit bourru.

Avec l'émission populaire Les grosses têtes sur la radio RTL, à laquelle il participe assidûment dans les années 1980, il devient un personnage familier des médias, l'académicien de service, au côté de l'aristocratique Jean d'Ormesson.

Ses prises de positions controversées en faveur des Serbes de Bosnie lors du conflit dans l'ex-Yougoslavie, comme son rejet virulent de la féminisation des noms à la fin des années 1990, firent en revanche grincer des dents.

Le 14 juillet 1978, un attentat à la bombe, jamais revendiqué, détruit son appartement parisien. «Ça m'a rajeuni. Ça m'a rappelé l'époque où c'est moi qui posais les explosifs», dit-il alors: «Ça prouve au moins que j'ai du style».