Madame Cécile Gagnon a rappelé la vérité universelle selon laquelle «tout le monde, jeunes ou vieux, aime se faire raconter une bonne histoire», ce que la doyenne des auteurs jeunesse du Québec fait elle-même depuis 50 ans. Michel Folco, pas vilain lui non plus quand vient le temps de raconter l'Histoire, l'a suivie au micro... d'où il a pris une photo d'elle. Pas de discours: Mme Gagnon, a expliqué (avec soulagement) le prestigieux invité français, lui avait «volé» ses trois phrases.

Arrive alors Dany Laferrière, en sa qualité de porte-parole - on le dirait fait pour ça - de Ayiti Solidarité Québec, la «cause» officielle de ce 33e Salon du livre de Montréal qui s'est ouvert hier à la Place Bonaventure. «Nous entendons voler le show», a lancé l'auteur de L'Énigme du retour en parlant des écrivains haïtiens, passés et présents, dont les photos ornent le kiosque de Mémoire d'encrier de Rodney Saint-Éloi, le foyer d'Haïti Solidarité. Ici, le poète Jacques Roumain (1907-1944), fondateur du Parti communiste haïtien et de La Revue indigène; là, Joël DesRosiers, auteur de Lettres à l'indigène et invité d'honneur du SLM. Passons les voir.

Haïti Québec... «Même agitation, même monomanie devant la dictature ou l'indépendance», même passage par la littérature patriotique, plus ou moins violente dans son expression. Même créolitude... En trois minutes, Laferrière a livré les bases de notre histoire commune, à lire, à vivre: «Le train arrive à peine en gare: Haïti et le Québec vont devenir des terres mêlées.»

Laferrière, un homme droit, ne vole pas le show: il le fait, parfois malgré lui. «Je vois ici réuni le peuple du livre: auteurs, éditeurs, distributeurs, lecteurs. Que commence la partouze littéraire!» Parlons d'une ouverture!

On comprendra que personne, dans l'après, n'a volé le show à Laferrière. Normand Cazelais aurait pu, en acceptant le prestigieux prix Marcel-Couture pour son Vivre l'hiver au Québec, publié chez Fides. Beau cadeau de relance pour la vieille maison qui commençait officiellement hier sa nouvelle vie dans la famille Coopsco-St-Martin, désormais libre de toute intervention de la cour et des syndics de faillite.

«L'hiver nous habite plus qu'on l'habite», a répété Normand Cazelais, géographe de formation, journaliste et auteur de profession dont le magnifique livre - «un florilège de la longue saison», selon le jury - s'est démarqué devant des ouvrages qui conjuguaient aussi audace et originalité: Le Tour du monde équitable d'Éric St-Pierre (Éd. de l'Homme), À table en Nouvelle-France d'Yvon Desloges (Septentrion), L'art comme engagement de René Derouin et Histoire visuelle des sondes spatiales de Philippe Séguéla, deux autres titres de Fides, et Guide du Montréal multiple (Boréal) de nos brillants collègues de La Presse, Laura-Julie Perreault et Jean-Christophe Laurence.

Avec la parution prochaine de Adieu, Alice, Normand Cazelais revient au roman. Et on verra quel autre «titre» lui donner à la lecture de ce Dictionnaire fantaisiste de l'inutile, lui aussi à paraître chez Fides.