Parce que «le livre culturel souffre d'un recul dans la sphère publique» et que «les intérêts de la bibliodiversité (leur) paraissent trop mollement représentés auprès des organismes gouvernementaux», 25 éditeurs «culturels» québécois ont décidé de mettre sur pied le Groupement des éditeurs littéraires.

Le GELi - prononcé «je lis» - se donne comme mission unique de défendre et de promouvoir la littérature d'ici. Outre les réclamations traditionnelles et qui peuvent apparaître à certains comme des voeux pieux - plus de tribunes et d'espace médiatique, plus de soutien gouvernemental, une meilleure promotion internationale -, le GELi entend «développer des relations plus étroites et plus constructives avec les créateurs et les partenaires essentiels de la chaîne du livre que sont les auteurs et les libraires».

«Essentiellement, il s'agit de réunir les gens autour d'un même sujet», explique Arnaud Foulon, directeur général d'Hurtubise HMH et instigateur de ce groupement: «Les éditeurs littéraires doivent affirmer leur présence dans le débat culturel.»

L'Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) ne constitue-t-elle pas une tribune valable? Pour l'éditeur Antoine Tanguay (Alto), l'ANEL n'offre pas présentement aux éditeurs littéraires la possibilité d'une «voix commune». «Les enjeux du livre de cuisine ne sont pas les mêmes que ceux du roman», dira l'ancien critique du Soleil en faisant référence à la structure à trois sections de l'ANEL: édition générale, édition littéraire et édition scolaire, scientifique et technique.

Par ailleurs, il faut souligner que, pour différentes raisons - «personnelles», corporatives, historiques -, plusieurs grandes maisons québécoises ne sont pas membres de l'ANEL, mais participent à la «mouvance» GELi: Boréal, Hurtubise, Québec Amérique et les groupes littéraires de Quebecor Livres, Librex et Ville-Marie Littérature.

L'ANEL se sent-elle interpelée par l'arrivée du nouveau groupement? «Le GELi est un lieu de réflexion ouvert à tous: ça ne peut pas être une mauvaise chose», avance Richard Prieur, nouveau directeur général de l'ANEL. Qui rappelle par ailleurs que 46 des 96 membres de son association sont des «littéraires», des petites maisons, oui, regroupées sous l'active vice-présidence «littéraire» de Rodney Saint-Éloi, éditeur de Mémoire d'encrier. L'ANEL, souligne aussi Richard Prieur, en évoquant l'opposition au projet de loi C-32 sur la réforme du droit d'auteur, «travaille au bénéfice de tous les éditeurs qu'ils soient membres ou non de l'association».

Plus que le symptôme d'une «chicane dans le livre», l'arrivée du Groupement des éditeurs littéraires apparaît plutôt comme une tentative d'un autre milieu de la création de faire entendre sa voix.