Marek Halter a traversé le siècle comme peu de ses contemporains l'ont fait. À l'aube de sa 80e année - il aura 79 ans le 27 janvier prochain -, l'écrivain a fait un court passage à Montréal la semaine dernière pour présenter son plus récent livre: Histoires du peuple juif.

Marek Halter termine une année faste. Après avoir fait paraître Le kabbaliste de Prague au printemps dernier chez Robert Laffont, son éditeur habituel, voilà qu'il a sorti à l'automne Histoires du peuple juif, un beau livre paru chez Arthaud (Éditions Flammarion).

Avec une plume vive et concise, Halter revisite 4000 ans d'histoire en effleurant chaque passage de l'histoire sacrée et profane, la résumant bien souvent en un paragraphe ou deux où chaque mot compte. Les illustrations qui ornent le livre jouent un rôle aussi important que le texte. Une belle occasion de pouvoir admirer des oeuvres de grands maîtres imprimées sur du beau papier.

Un livre qui est une synthèse aussi. «Depuis mon enfance, je raconte tout le temps la même histoire. Dans tous mes livres, je raconte des bribes de l'histoire juive.» De l'histoire des juifs en général ou sa propre histoire en particulier, ajoute-t-il , en expliquant que le conteur cède le pas au citoyen engagé dans plusieurs causes. «Un conteur ne raconte pas des histoires objectives, ce n'est pas comme un écrivain qui observe une histoire et qui se cache derrière ses personnages. Un conteur se met en scène parce que, ainsi, l'histoire devient moderne. Je vois l'histoire comme un enseignement pour aujourd'hui. Cela nourrit mon côté militant.»

Fabuleux fabuliste?

Ce fils d'une poétesse yiddish et d'un imprimeur sait parler et enchaîne les noms des personnalités qui ont croisé sa route. Il en a fréquenté plusieurs au cours du dernier siècle, de Golda Meir à Jean-Paul II en passant par Marcel Marceau, qui lui a enseigné l'art du mime. Shimon Peres est un grand ami. Tous ces noms et bien d'autres ponctuent les phrases de Marek Halter.

À un point tel que certains ont douté de ses affirmations. A-t-il vraiment donné des fleurs à Staline en mai 1945, lors de la fête de la victoire sur la place Rouge? Rappelons que sa famille et lui ont fui Varsovie en 1941, échappant à une mort certaine. Ils ont abouti en Ouzbékistan. «Je ne suis pas sûr que l'enfant sur la photo soit vraiment moi», reconnaît-il.

«C'est sûr que ça ne me fait pas plaisir que l'on doute de moi.» L'auteur admet néanmoins qu'il ment délibérément sur l'année de sa naissance. Contrairement à ce qu'il a écrit dans tous ses livres, il est bel et bien né en 1932, et non en 1936, sous le nom de Aron Halter. Un curieux mensonge que le principal intéressé défend plutôt mal. «Je trouve que 1932 n'est pas une belle année; 1936, c'est mieux. C'est l'année des Brigades internationales en Espagne, la plus belle manifestation de solidarité humaine. Et puis le vin de 36 est meilleur que celui de 32», lance-t-il amusé, en ayant l'air soulagé d'avoir admis son mensonge.

Le messager de la paix

Au cours des années 90, il a participé aux pourparlers de paix entre Israël et l'OLP de plusieurs façons. «Lorsque j'ai participé aux discussions sur les accords d'Oslo, c'est chez moi à Paris que Shimon Peres a rencontré Arafat pour la première fois.»

Puis, l'assassinat d'Itzhak Rabin a changé la donne. «C'est un extrémiste juif qui a tué Rabin. Le conflit a changé de nature. Deux peuples revendiquaient la même terre. Soudainement, ce sont deux religions qui s'affrontaient. Nous étions à la veille de la paix, nous en sommes pourtant bien loin 15 ans plus tard.»

L'homme conserve cette volonté de voir la paix regagner le Moyen-Orient. Il a repris son bâton de pèlerin au printemps dernier et a rencontré le chef du Hamas, Khaled Mashaal, à Damas. «Je pars d'un principe idiot. La violence commence où s'arrête la parole. Il est facile de parler à ses amis, il est plus difficile de discuter avec ses ennemis. Aujourd'hui, ce n'est pas Mahmoud Abbas qui est l'empêchement à la paix dans la région, c'est Khaled Mashaal.»

«Je crois au pouvoir du verbe. À partir du moment où quelqu'un qui veut me tuer me parle, il ne peut plus. La parole est un piège.» Marek Halter, fin diplomate, l'a amadoué en lui disant qu'il était choyé de rencontrer le futur président de l'État palestinien. «Il a paru surpris, il devait croire que je ne souhaitais pas d'État palestinien.»

En ce moment, l'écrivain a repris le dessus. Le conteur prépare une nouvelle incursion dans l'histoire juive dans un roman intitulé Birobidjan, du nom de cette république autonome juive, créée en URSS par Staline en 1934. Un lieu qui garde encore aujourd'hui les marques de son passé. Son regard s'illumine en présentant son sujet: «Sur les 180 000 habitants de cette république, il ne reste que 6000 juifs, mais même aujourd'hui, les immigrants qui s'y installent apprennent le yiddish. Ça me fascine».

De toute évidence, la retraite n'est pas dans les plans de ce conteur moderne.

Histoires du peuple juif

Marek Halter

Arthaud, 220 pages