Il s'en est noirci des pages sur la question de la langue française au Québec et au Canada au cours des années. De tout temps, les historiens, sociologues et autres chercheurs ont sondé le coeur et l'âme du fait français en Amérique.

L'année 2010 a apporté son lot d'ouvrages sur le sujet. C'est ainsi que Langue et politique au Canada et au Québec - Une synthèse historique, Histoire intellectuelle de l'indépendantisme québécois - Tome 1: 1834-1968 et La langue au quotidien - Les intellectuels et le français dans la presse québécoise - Vol. 1: Les douaniers de la langue (1874-1957) sont apparus sur les rayons des libraires récemment. Trois livres qui abordent la question avec des angles différents.

Les gens intéressés par ces trois ouvrages souhaiteront peut-être aussi poursuivre dans le même registre en lisant Idéologie et interventionnisme linguistique au Québec, de Lionel Meney, paru aux éditions Liber au printemps dernier, mais que nous n'avons pu lire.

Dans la presse canadienne-française

Tout d'abord, dans La Langue au quotidien, la professeure au cégep de l'Outaouais Karine Cellard et Karim Larose, professeur au département d'études françaises de l'Université de Montréal, ont colligé différents articles de journaux traitant du fait francophone au Canada et plus particulièrement au Québec. On y trouve des réflexions de personnalités plus connues comme Lionel Groulx, Henri-Bourassa et André Laurendeau, mais d'autres auteurs importants moins connus aujourd'hui sont également publiés et annotés par les auteurs. C'est le cas notamment d'Omer Héroux et de son article Do the French Canadians Speak Patois?, paru dans Le Devoir en 1919 et qui ridiculise certains anglophones de l'époque qui prétendent que les francophones du Canada ne parlent pas le français.

Cette anthologie, sous une allure très austère, comporte une multitude de petits bijoux. Les amoureux de la langue pourront lire les extraits d'articles comme bon leur semble sans faire nécessairement une lecture suivie.

Tour d'horizon massif

Dans Langue et politique au Canada et au Québec, on s'attarde davantage à la cohabitation entre deux langues, l'anglais et le français, dans cette partie de l'Amérique. On fait donc un portrait érudit et technique de la situation en analysant les lois linguistiques, les différentes luttes historiques pour le maintien de la langue française placées dans leur contexte. Un tour d'horizon complet de la situation, peut-être trop dense et massif pour le lecteur moyen.

Le nationalisme vu de la gauche et de la droite

Le fait français est sous-jacent à l'Histoire intellectuelle de l'indépendantisme québécois, dirigé par Comeau, Courtois et Monière, mais comme le nom du livre l'indique, n'en est pas le moteur premier. Ce livre débute avec le mouvement patriote. Un mouvement d'abord autonomiste plus qu'indépendantiste, selon les auteurs Denis Monière, Louis-Georges Harvey et Gilles Laporte, qui signent les articles portant sur les événements de 1837-1838 et leurs origines. Les patriotes ne sentent pas le besoin de protéger leur langue, mais leur territoire et leurs institutions politiques. Ils tiennent des propos très inclusifs envers l'immigration de l'époque (presque exclusivement européenne, rappelons-le). Ce n'est pas tout à fait le propos de Marcel Martel et Martin Pâquet qui, eux, voient dans les 92 résolutions des Patriotes plusieurs mesures pour défendre la langue française.

Le livre est séparé en différents chapitres portant chacun sur un penseur qui a fait école. Notez l'usage du masculin, ce qui n'est pas surprenant considérant les années étudiées. Ce qui est plus étonnant, c'est de constater la présence d'une seule historienne parmi la quinzaine de collaborateurs au livre, soit Josianne Lavallée, qui signe un texte éloquent sur Maurice Séguin, le maître à penser de l'école historique de Montréal.

Au final, le premier tome de l'Histoire intellectuelle de l'indépendantisme québécois est un tout cohérent, constitué de textes d'auteurs aux horizons politiques et historiques aussi différents que Mathieu Bock-Côté et Robert Comeau et nous fait espérer le deuxième tome avec intérêt.

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La langue au quotidien - Vol. 1: Les douaniers de la langue (1874-1957). Karine Céllard et Karim Larose. Éditions Nota Bene, 544 pages, 36,95 $.

Langue et politique au Canada et au Québec - Une synthèse historique. Marcel Martel et Martin Pâquet. Les éditions du Boréal, 340 pages, 29,95 $.

Histoire intellectuelle de l'indépendantisme québécois - Tome 1: 1834-1968. Sous la direction de Robert Comeau, Charles-Philippe Comtois et Denis Monière. VLB éditeur, 288 pages, 32,95 $.