Vous le pensiez mort? Détrompez-vous. Cent douze ans après la parution du roman portant son nom, le célèbre Dracula est de retour. Et c'est l'arrière-petit-neveu de Bram Stoker, auteur du livre original, qui en a écrit la suite...

Dracula est de retour. Encore.

Cent douze ans après la sortie du livre qui porte son nom, le plus célèbre vampire de la littérature est de retour en librairie, grâce au roman Dracula l'immortel (en anglais: The Un-dead). Véritable sortie commerciale, cette première «suite officielle» est d'autant plus intrigante qu'on la doit à l'arrière-petit-neveu de l'Irlandais Bram Stoker, auteur du livre original.

Montréalais de naissance, Dacre Stoker n'a pas d'antécédents littéraires. Il admet n'avoir pas lu le roman de son ancêtre avant le collège. En fait, ce prof d'éducation physique, qui vit aujourd'hui en Caroline-du-Sud, est surtout connu pour avoir été entraîneur de l'équipe canadienne olympique de pentathlon.

Il ne s'en cache pas. Dracula l'immortel n'aurait jamais vu le jour sans l'initiative de son coauteur Ian Holt, un «vampirologue» de profession, qui a mis le projet sur les rails en 2003.

«Ian avait commencé par un scénario de film. Mais il n'était pas satisfait. Il s'est dit que l'apport de la famille Stoker lui donnerait de nouvelles perspectives et une plus grande légitimité. J'ai accepté de travailler avec lui et nous nous sommes très vite rendu compte qu'il fallait plutôt en faire un roman. Nous avons recommencé l'histoire du début en conservant quelques éléments de son manuscrit de départ.»

Conseils de famille

Selon ce qu'on sait, Dacre Stoker a dû convaincre les 70 descendants de Bram Stoker, pour la plupart dispersés au Canada (dont plusieurs à Montréal) et aux États-Unis, afin d'obtenir l'autorisation de poursuivre le travail de son arrière grand-oncle. Chez l'Oncle Sam, faute d'avoir été dûment breveté lors de sa sortie, Dracula est totalement libre de droits - ce qui explique d'ailleurs les nombreuses variations sur le thème, notamment au cinéma...

Mais en Angleterre, il appartient encore aux Stoker.

Parmi les conditions posées par la famille, Dacre se devait notamment d'intégrer le personnage de Bram Stoker dans le roman. Il a aussi promis de faire ériger une statue de son aïeul au centre-ville de Dublin, là où tout a commencé.

Non négligeable sur le plan du marketing, cet appui de taille a permis aux deux auteurs d'avoir accès aux notes originales de Bram Stoker, et d'intégrer certains éléments qui avaient été laissés de côté dans le roman. C'est ainsi que dans Dracula l'immortel, où reviennent quelques protagonistes du Dracula original, on voit apparaître le personnage du détective Cotford, un flic sur le déclin qui tente de relier Dracula aux meurtres de Jack l'Éventreur.

«Cotford est souvent mentionné dans les notes de Bram... Je ne sais pas pourquoi il l'a laissé tomber dans la version finale. C'était peut-être un choix de l'éditeur. Mais il me semblait étrange qu'il n'y ait aucun policier dans son livre, considérant le nombre de meurtres. Il nous semblait logique de le réintégrer dans l'histoire», explique Dacre Stoker.

Faut-il avoir lu Dracula pour comprendre Dracula, l'immortel? Le roman de Holt et Stoker, qui se déroule 25 ans plus tard (c'est-à-dire en 1912) multiplie forcément les références à l'original, tout en étant relativement autonome. Au mieux, croit Dacre Stoker, «cela en incitera certains à vouloir redécouvrir le livre de Bram Stoker».

Mondialement orchestré

Chose certaine, Dracula l'immortel s'annonce d'ores et déjà un best-seller mondial. Alors que la vampiremanie bat son plein, avec la série Twilight en tête, les éditeurs seraient bien fous de ne pas y croire. Selon la rumeur, Dacre Stoker et Ian Holt auraient reçu 1 million d'avance pour écrire ce pavé de 500 pages, qui a été lancé simultanément la semaine dernière au Royaume-Uni, aux États-Unis, en France et au Québec, ô, comme par hasard, à 10 jours de l'Halloween...

Publié en français chez Michel Lafon, le livre a été imprimé à plus de 95 000 exemplaires pour la francophonie. L'ambitieuse campagne de marketing est assortie d'un site web, d'un concours (gagnez un voyage en Transylvanie!) et de lectures publiques de Dacre Stoker, qui était d'ailleurs de passage à Montréal cette semaine, pour la première fois en 20 ans..

«C'est notre plus grosse mise en place de l'année. C'est colossal», résume Elsa Lafon, jointe à Paris. L'éditrice jure que cette sortie «est une pure coïncidence» avec l'actuelle mode des vampires, puisque Holt et Stoker planchent sur le projet depuis plus de six ans. Pour la petite histoire, Mme Lafon a mis la main sur le manuscrit de Holt et Stoker deux jours avant ses concurrents, ce qui lui a permis de faire une offre sur le livre sans passer par l'habituel processus de la mise aux enchères.

Et le cinéma dans tout ça? C'est au programme. L'agent de Holt et Stoker discuterait actuellement avec deux «majors» hollywoodiens. Le nom de l'acteur Jeremy Irons a même commencé à circuler dans les médias français. «Tous les bons romans ne font pas de bons films, conclut Dacre Stoker. Mais nous avons déjà un scénario que nous espérons vendre à un studio, qui achètera aussi les droits du livre. Tout ce qu'on souhaite, c'est de participer un peu au projet...»

DRACULA L'IMMORTEL

Michel Lafon

505 pages, 29,95$