Des lectures légères pour l'été? Des histoires de peur ? Bien sûr, mais aussi des bandes dessinées pour adultes, des histoires courtes qui font sourire, dérangent ou bouleversent. Après les propositions des éditeurs québécois la semaine dernière, voici quelques suggestions variées et totalement subjectives puisées essentiellement dans la littérature étrangère.

Lectures «de filles»

Dans un monde où tout, littéralement, tourne autour du sexe, de la mode à la publicité, en passant par le cinéma et, bien sûr, la télé, est-il possible de mettre sa vie sexuelle en veilleuse? Non pas en s'isolant dans un monastère, mais plutôt en continuant de mener une vie de jeune trentenaire, avec les sorties, rencontres et flirts qui s'imposent, tout en ayant une limite très claire: chacun chez soi, ce soir. Chacun chez soi, tous les soirs, en fait. Et ce, pendant un an. C'est le défi fou que s'est donné Hephzibah Anderson, la jeune auteure anglaise de No more sex in the city (Michel Lafon), qui en a soupé des soirées sans lendemain. Résultat? Une savoureuse réflexion sur la séduction, l'amour au féminin, le féminisme et... le cul.

On ne naît pas mère, on le devient. Dans Crises de mères, de Fanny Joly (Intervista), neuf mères, de 25 à 100 ans, se racontent. Larmes et fous rires garantis.

Une mère londonienne très, très urbaine part refaire sa vie à la campagne. Craquera, craquera pas? Tous à la campagne (Belfond), tiré du populaire blogue de Judith O'Reilly.

- Silvia Galipeau

Tendres bédés

Lulu femme nue d'Étienne Davodeau (Futuropolis). Lulu, quadragénaire sans histoire, décide un jour de ne pas rentrer à la maison. Le mari, les enfants, les amis... personne ne sait où elle est. On se réunit, on suppute, on s'inquiète. Et le lecteur avec. Car l'auteur ne dévoile qu'au compte-gouttes le destin de son (anti) héroïne. Il raconte avec pudeur et délicatesse la renaissance de cette femme, qu'on découvre éteinte par la vie et qui prend le large, poussée par une force qu'elle ne se soupçonnait guère. Le premier album, primé au festival d'Angoulême en 2009, a connu un succès instantané. La suite est un album coup de coeur et coup de poing, qui nous pousse à questionner le sens de notre propre existence.

Essex County, de l'Ontarien Jeff Lemire (Futuropolis). Autre thème, même humanité. Ce pavé de 500 pages relate la vie des habitants d'une petite ville rurale d'Ontario. Chronique sur la vie qui passe, la mort qui frappe, les fratries qui se nouent et se dénouent, les trois tomes d'Essex County nous arrivent en français regroupés dans un seul volume. Dans cette saga familiale douce-amère, il est question de hockey et de poulailler, mais aussi du poids des promesses, de trahison, de fraternité.

Avant la quête. Tome 3, La voie du Rige, Serge Le Tendre et Régis Loisel (Dargaud). Dessinée par Vincent Mallié, La voie du Rige redonne du souffle à La quête de l'oiseau du temps, série culte imitée plusieurs fois mais rarement égalée. Le moment est parfait pour (re) découvrir cette série fondatrice de la bédé fantastique francophone. Amorcée en 1975, La quête mettait en scène le vieux Bragon et la belle Pelisse, réunis pour sauver le monde d'Akbar. Avant la quête nous fait maintenant reculer dans le temps pour découvrir un Bragon jeunot et épris d'amour. Seul le Rige, un guerrier mystérieux, peut l'aider à conquérir Mara. Mais le maître est un tueur redoutable...

- Stéphanie Morin





Lulu femme nue d'Étienne Davodeau (Futuropolis)

Des nouvelles qui font rire, dérangent, bouleversent

La mort d'Edgar, de Franz Bartelt (Gallimard). Avec une langue vive, surprenante de drôlerie, un ton sarcastique et des tournures inventives qu'on répète à voix haute, ravi, tel Fabrice Luchini dans Le point sur Robert, ces courtes histoires repoussent les limites de l'absurde: une fille chaste mais dont le visage «vicieux» rend les hommes fous finit dans un couvent à engraisser les cochons; un zélé part en guerre pour couvrir une statue africaine dans un musée glacial; un mort se réveille bien vivant, au grand déplaisir de tous. «On ne peut jamais compter sur vous. Un jour, vous êtes mort. Le lendemain, vous êtes vivant», lui reproche son patron.

Le bateau, de Nam Le (Albin Michel). Attention, ce n'est ni léger ni joyeux, au contraire. Mais très fort et beau. Fin et vrai. Ce recueil de nouvelles de l'Australien d'origine vietnamienne, qui a fui très jeune avec les boat people, explore des moments sombres de l'existence. Si chaque nouvelle est un voyage, de Téhéran secoué par des manifestations à Hiroshima à la veille de la bombe, en passant par les bas-fonds de la Colombie et un bateau de réfugiés vietnamiens, c'est au coeur de l'homme qu'elle nous emmène, sans gommer ses failles. On se réveille sonné, un peu moins sot et plein de compassion.

Sombre peuple, de Marie Christine Bernard (Hurtubise). Parfois souriantes, parfois cruelles, les 13 nouvelles de cette professeure au cégep d'Alma portent sur la marginalité qui dérange. La taille, la laideur, l'âge, la couleur de la peau et autres différences moins visibles. Le contraste entre les époques et les styles peut dérouter. (On passe du Chicoutimi contemporain au Lyon de 1608.) Mais chaque histoire, prise isolément, n'en est pas moins forte. L'ombre de Victor Hugo plane jusque dans le titre, emprunté aux Contemplations. Par la lauréate du Prix France-Québec 2009 pour Mademoiselle Personne.

- Marie-Claude Girard





La mort d'Edgar, de Franz Bartelt (Gallimard)

Un Nobel pour l'été?

Trois d'entre eux ont publié récemment de nouveaux ouvrages en français. Ceux-ci ne manquent pas d'intérêt, bien qu'ils ne soient pas forcément leurs titres les plus marquants. Dans Victoria et les Staveney (Flammarion), la Britannique Doris Lessing raconte l'hypocrisie et le racisme ordinaire vécus par une petite fille noire qui fait la connaissance d'une riche famille blanche «bien-pensante». Adulte, elle aura une aventure avec le fils. Une enfant naîtra. Les grands-parents s'y attacheront un peu trop pour le bien de la jeune mère.

Le Portugais José Saramago réunit dans Le cahier (Le cherche midi) des chroniques sans concession sur l'actualité politique internationale parues sur son blogue de septembre 2008 à mars 2009. Obama, Sarkozy, Benoît XVI, le conflit israélo-palestinien. La férocité de certains portraits aurait poussé Berlusconi à demander à un éditeur italien de ne pas publier l'ouvrage.

Dans L'Agfa Box, histoires de chambres noires (Seuil), l'Allemand Günter Grass rassemble ses huit enfants - nés de quatre femmes - pour raconter leur enfance et leur père. Le précédent volet de son autobiographie, Pelures d'oignon, avait causé des remous: l'auteur engagé reconnaissait s'être joint volontairement à la Waffen-SS à 17 ans. Cet Agfa Box est plutôt bavard, un peu échevelé. Grass imagine sa progéniture commentant non sans cacophonie des photos de famille prises avec un appareil magique qui voit aussi le passé, le futur et les rêves secrets. Une réflexion sur la vie qu'on invente et qui nourrit aussi l'écrivain.

- Marie-Claude Girard





Victoria et les Staveney de Doris Lessing (Flammarion)

Sur la route: beatniks, hippies et pèlerins de Compostelle

Avec beaucoup d'humour et sans prêchi-prêcha, En avant, route! d'Alix de Saint-André (Gallimard) nous guide sur le chemin de Compostelle, que l'auteure a emprunté trois fois. La journaliste parisienne relate avec simplicité ses rencontres, le verre de rouge au café, les chaussures des marcheurs qui empestent les dortoirs, et même son envie de fracasser d'un coup de bâton de pèlerin le crâne d'une compagne de route horriblement bavarde... On a bien envie de la suivre jusqu'au cap Finisterre.

Gallimard publie aussi cet été une nouvelle traduction de Sur la route de Jack Kerouac à partir du «rouleau original», long ruban de papier sur lequel il a rédigé le livre culte de la beat generation. La version publiée en 1957 aurait été corrigée et réécrite par son éditeur. Celle-ci serait plus proche du souffle de l'original. William Burroughs et les autres y apparaissent sous leurs vrais noms. En librairie le 7 juillet.

Un peu dans la même veine, Gallmeister, spécialiste de la littérature «des grands espaces et de la contre-culture», réédite en format poche une curiosité du mouvement hippie, Même les cow-girls ont du vague à l'âme de Tom Robbins, que Gus Van Sant a porté à l'écran avec Uma Thurman dans le rôle-titre. Dotée de pouces surdimensionnés, une jeune auto-stoppeuse part à l'aventure. Toujours bizarre, fou et cru. Drôle aussi (si on aime le genre).

- Marie-Claude Girard





En avant, route! d'Alix de Saint-André (Gallimard)

Le monde des lettres

Trois bédés hilarantes explorent le métier d'écrivain et celui de libraire. Cadavres exquis, de la bédéiste blogueuse Pénélope Bagieu (Gallimard, collection Bayou) raconte la relation d'une jeune hôtesse de foires commerciales et d'un écrivain à succès étrangement casanier. Rafraîchissant.

Le tome 2 de Jeunauteur, intitulé Gloire et crachats, du romancier Stéphane Dompierre et du bédéiste Pascal Girard (Québec Amérique), explore les tourments d'un auteur nouvellement célibataire qui fait la connaissance de sa machine à café et de la faune du salon du livre. Désopilant.

Moi vivant, vous n'aurez jamais de pauses, ou comment j'ai cru devenir libraire, de Leslie Plée (réédition chez Pocket), les premières expériences de travail d'une jeune femme pleine de bonne volonté dans une grande surface du livre: Vous me conseillez quoi pour quelqu'un «qui a 30 ans, travaille à la mairie et se ronge les ongles»?

- Marie-Claude Girard





Cadavres exquis, de la bédéiste blogueuse Pénélope Bagieu (Gallimard, collection Bayou)

Les angoisses de Woody

Vous saviez que Woody Allen avait été la vedette de «comic strips» publiés dans des journaux dans les années 70 et 80, à l'époque d'Annie Hall? L'écrivain et dessinateur Stuart Hample en a rassemblé une sélection dans Angoisse et légèreté, Woody Allen en comics, aux éditions Fetjaine. Allen n'en est pas l'auteur mais collaborait étroitement avec Hample. Il faut attendre plusieurs pages avant que les gags prennent leur envol. Mais les fans du personnage lui pardonneront. «Tu étais un enfant très secret, lui rappellent ses parents... Toujours enfermé dans ta chambre, tu ne parlais jamais... Et pourtant, curieusement, tu parvenais à être agaçant.»

Un extra nostalgique: le meilleur de Peanuts, Super Snoopy, (Rivages poche) en format poche, à l'occasion du 60e anniversaire de la série. La dernière planche est datée du 13 février 2000, jour de la mort de Charles M. Schulz.

- Marie-Claude Girard





Histoires de peur

Parmi l'avalanche de policiers et autres thrillers, quelques titres qui pourraient fort bien nous accompagner en vacances: outre Deon Meyer (13 heures) et William Boyd (Orages ordinaires), deux suédois et une russe: L'oiseau de mauvais augure, les nouvelles aventures d'Erika Falck de la jeune Suédoise Camilla Läckberg (Actes Sud), L'écho des morts, de Johan Theorin (Albin Michel), lauréat du prix du meilleur polar suédois 2009, et Le requiem, d'Alexandra Marinina (Seuil policiers), ancienne analyste à la police criminelle de Moscou.

- Marie-Claude Girard

 

13 heures de Deon Meyer.