Quand l'écrivain n'arrive plus à écrire, il lui reste à écrire sur son impuissance à écrire. Une introspection qui relève de la nécessité pour Liscano parce que «la seule chose qui importe, c'est de savoir que faire de sa vie, ce qu'on en a fait».

Le constat qu'il n'égalera jamais les grands maîtres, qu'il n'a rien à dire, est d'autant plus angoissant que «si j'enlève tout ce qui a à voir avec l'acte d'écrire et l'écrit, je n'existe pas». Vient alors l'obsession, en plus de l'échec littéraire, d'être passé du même coup à côté d'une vie heureuse.

Dans un style sec, tranchant, implacable, rythmé en chapitres courts de deux pages ou seulement quelques lignes, Liscano raconte sa naissance comme écrivain, son choix d'être un observateur de la vie, solitaire, sans famille et sans enfant, sa quête d'un absolu inaccessible car «écrire, c'est chercher ce qu'on ne trouvera pas». Son désespoir de tourner en rond comme une bête: «la solution la plus simple: une balle dans la tête».

Et l'échec d'une vie qui aurait pu être simple, malgré 13 ans passés en prison. Une vie qu'il aurait pu se réapproprier mais qu'il choisit de sacrifier encore. Tiraillé entre l'écrivain et «l'autre» - l'homme esclave de l'écrivain -, Liscano ressasse son désespoir, assène, reformule, doute en permanence. Son écriture reflète la torture intérieure. Il cherche les mots justes, tente de circonscrire le chaos. Et y parvient.

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L'écrivain et l'autre. Carlos Liscano. Belfond 192 pages, 28,95 $.