C'est l'histoire d'hommes solitaires, immigrants italiens dans l'Ohio, qui regardent leur fils comme des étrangers. C'est l'histoire de femmes qui se révoltent contre une vie tracée d'avance. Notamment. Car chercher à résumer La fin ne permettrait pas d'en restituer la richesse.

Touffu, ce premier roman très ambitieux met en scène des personnages en mutation. Un déclic et leur «moi» se transforme, laisse place à un autre, alors qu'ils se pensaient immuables. Tel ce boulanger qui n'a jamais pris une journée de repos et qui décide, en apprenant la mort de son fils à la guerre, de rejoindre sa femme qu'il a laissée partir des années plus tôt.

C'est davantage la forme, audacieuse, qui définit La fin que son histoire, où se mêlent récits d'immigrants et histoire des États-Unis. Plongé dans la tête des différents personnages, le lecteur suit, péniblement parfois, les méandres de leurs pensées et réflexions.

Construit sur le mode du courant de conscience, le roman se révèle parfois ardu. On s'accroche pourtant, tantôt lassé, tantôt captivé par ce chaos. Un personnage en amène un autre, parfois à peine ébauché, et les sauts temporels multiples - entre 1915 et 1953 - densifient encore ce choeur de voix. On reconstitue peu à peu les morceaux du puzzle narratif savamment désordonné mais le roman résiste quand même: il faut aimer la complexité pour y prendre plaisir.

«Je comprends juste assez pour que ça m'échappe», dit un des personnages à propos de ses lectures assommantes mais stimulantes. C'est exactement cela.

La fin

Salvatore Scibona

Éditions Christian Bourgois

436 pages, 39,95$

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