Il y a 40 ans, Jean-Claude Labrecque et Jean-Pierre Masse immortalisaient la Nuit de la poésie sur pellicule. Le 11e Marché de la poésie de Montréal soulignera cet anniversaire en recréant sa propre nuit poétique, aux accents bien différents. Le Québec a changé, ses poètes aussi. Rencontre avec Tristan Malavoy, Claudine Vachon, Louise Warren, Isabelle Courteau et Michèle Lalonde -oui, LA Michèle Lalonde qui a écrit le célèbre Speak White.

C'est beau à voir, ces poètes de différentes générations réunis autour d'une même table. Le 29 mai, ils seront une quarantaine sur la même scène du Cabaret Juste pour rire à défiler les uns après les autres jusqu'au petit matin, en hommage à la Nuit de la poésie 1970. Cette fois encore, l'événement sera filmé, par Jean-Nicholas Orhon. Comme ce fut le cas pour les nuits de 1980 et 1990.

 

C'est que les lectures de poésie sont la plupart du temps une expérience éphémère. Immortalisées dans un documentaire, cela peut donner de drôles de résultats. La Nuit de la poésie 27 mars 1970 de Labrecque et Masse est devenu un classique des cours de littérature. Moment fort dans ce délire plus organisé qu'on le croit: la lecture de Speak White par Michèle Lalonde. C'est une séquence qu'elle trouve encore difficile à regarder parce qu'elle estime qu'elle bafouillait un peu trop!

«J'avais écrit ce poème en 1968 pour Chansons et poèmes de la résistance, il devait être lu par Michèle Rossignol, raconte-t-elle. Pour la Nuit de la poésie, j'ai dû passer une audition devant Jacques Larue-Langlois! Ce qui était nouveau, c'était d'inviter les poètes à lire eux-mêmes leur poésie sur scène.»

La poétesse Louise Warren avait 14 ans en 1970 et elle était dans la salle pour écouter les poètes. «Moi, ça m'a donné envie de faire de ma vie une longue nuit de la poésie.»

Les choses ont bien changé depuis. Tristan Malavoy et Claudine Vachon, porte-parole de cette nouvelle nuit, rappellent que les poètes sont non seulement aujourd'hui plus nombreux, ils ont aussi beaucoup plus de tribunes pour faire entendre leurs voix. Mais Claudine Vachon avoue envier un peu le «moment» de 1970: «Le sentiment collectif était très fort. Aujourd'hui, on se réclame du monde.» «Les formes sont plus éclatées, les engagements aussi, dans cette mondialisation où on se sent tous un peu largués, parfois, dit Tristan Malavoy. «En 1970, la critique des artistes s'adressait à un groupe dominant, note Isabelle Courteau, directrice artistique du Marché de la poésie. Notre nuit sera aussi engagée, mais sur plusieurs fronts.»

Michèle Lalonde tient à ajouter, en riant, cette précision à propos de Speak White: «Je suis souvent malheureuse quand on en fait un drapeau souverainiste. C'était un poème de solidarité envers les opprimés partout dans le monde, contre le colonialisme, contre l'exploitation. Il disait en gros: maintenant que nous comprenons ce que nous sommes, nous vous comprenons.»

Cette quatrième nuit, mise en lecture par Christine Germain, sous la direction artistique d'Isabelle Courteau, Jonathan Lamy, Hélène Monette et Rodney Saint-Éloi, promet d'être intense, en invitant les poètes les plus actifs du milieu, dont certains font aussi partie du mouvement slam et du spoken word.

«Nous voulons montrer ce qui se passe maintenant et voir où on s'en va», explique Isabelle Courteau. La règle: personne ne doit dépasser quatre minutes. Pour Louise Warren, il s'agit «d'une expérience du vivant et du temps». «C'est aussi de l'ordre de la fête, je suis excité comme si j'allais à un party», dit Tristan Malavoy. Rendez-vous donc le 29 mai, 21h, au Cabaret Juste pour rire.

Evelyne de la Chenelière, Peep-Show et Patrice Desbiens

Outre la Nuit de la poésie, le 11e marché de la poésie de Montréal propose une superbe programmation cette année. Le spectacle d'ouverture, À ceux qui malgré tout, est signé par Evelyne de la Chenelière et l'artiste Lino, et rendra hommage à «ceux qui, malgré tout, prennent le temps de rencontrer la poésie».

De nombreux passeurs de vers parmi lesquels Robert Lalonde, Danny Plourde ou Violette Chauveau liront des textes de Fernand Ouellette, Anne Hébert, Denis Vanier ou Roland Giguère. L'autre spectacle très attendu est celui du poète Patrice Desbiens et ses «cascadeurs de l'amour» Isabelle Blais, Nathalie Lessard, Alix Renaud, Cindy Doire et Ève Cournoyer. Présentée en première nord-américaine, la production française Peep-Show, inspirée du roman en vers de Christian Prigent, mettra en vedette l'actrice Vanda Benes.

Sinon, le Marché de la poésie, c'est aussi de nombreuses activités un peu partout autour de la place Gérald-Godin prise d'assaut par les poètes pendant quatre jours. La cérémonie d'ouverture se fera le 27 mai à midi. Pour plus d'informations sur la programmation, consultez le www.maisondelapoesie.qc.ca.

-- Le 11e Marché de la poésie à la place Gérald-Godin (métro Mont-Royal), du 27 au 30 mai.