Plus de 200 libraires ont voté - un record, paraît-il - pour souligner la qualité littéraire de deux romans parus cette année, l'un québécois, l'autre étranger: L'énigme du retour de Dany Laferrière (Boréal) et Vendetta de R.J. Ellory (Sonatine) sont les grands gagnants du Prix des libraires 2010, qui était remis hier au Lion d'or.

Entre deux avions, trois activités et quatre entrevues, Dany Laferrière nous a accordé un peu de temps pour rendre hommage aux libraires québécois qui viennent de lui décerner leur prix. Après le Medicis, le Grand Prix du livre de Montréal et combien d'autres honneurs, est-ce qu'on finit par se lasser d'être célébré? «Pas du tout! Je ne m'étais jamais plaint avant de ne pas en recevoir! Je me souviens, mon premier éditeur, Jacques Lanctôt, voulait passer en voiture sur tous ceux qui, dans les jurys, ne me choisissaient pas... Ce n'est pas de ma faute si, après 25 ans, il y a embouteillage!»

Pour Dany Laferrière, le Prix des libraires revêt un caractère particulier. Parce que dans la grande chaîne du livre, c'est là que tout se termine, «et le libraire est le dernier à avoir vu l'assassin», soit ce lecteur qui part avec le livre sous le bras. «À mon premier roman, je pourchassais les libraires pour qu'ils mettent mon livre en vitrine, je leur téléphonais d'une cabine téléphonique, et ils me disaient: M. Laferrière, on n'a pas encore eu le temps d'ouvrir les boîtes... Un livre ne peut pas avoir de succès sans les libraires.»

Et il loue le courage des librairies indépendantes qui survivent envers et contre tous. «Ils me font penser aux poètes. Je juge d'ailleurs le niveau culturel d'un quartier à la santé de sa librairie.»

L'énigme du retour poursuit donc son incroyable carrière médiatique. Depuis, Dany Laferrière a écrit Tout bouge autour de moi chez Mémoire d'encrier, inspiré du tremblement de terre du 12 janvier en Haïti. «Je craignais que L'énigme du retour ne l'écrase, et puis finalement non, ces deux livres s'enchaînent. J'ai écrit Tout bouge autour de moi pour pouvoir arrêter de penser précisément à cela. Ça freine un peu le train, mais ça ne l'arrête pas. Écrire, ça apaise un peu...»

Ce qu'il y a de nouveau avec le succès, dit-il, ce sont les gens. «Ils veulent que je sois chez eux, que je dédicace mes livres, ils m'écrivent et me demandent conseil sur tout, la reconstruction en Haïti, comment adopter un enfant... Je n'arrive pas à ne pas leur répondre, j'ai été élevé comme ça. J'y passe donc la moitié de ma journée...»

Retour en Haïti

Dany Laferrière est retourné en Haïti après le 12 janvier, il y retournera au début de juin comme invité d'honneur du festival Livres en folie - «parce que les gens sont fous de lecture en Haïti». Là-bas, il insiste, les gens continuent à vivre. Il a logé d'ailleurs à l'hôtel Karibe, là même où il était à l'heure du séisme. Et partout où il passe, on lui rappelle sa phrase, confiée à La Presse le 13 janvier et reprise partout depuis: «Quand tout tombe, il reste la culture». C'est pour cela qu'il sera à Saint-Malo fin mai, pour le festival Étonnants Voyageurs qui reprend la programmation haïtienne qui devait avoir lieu à Port-au-Prince; c'est pour cela qu'il sera à Lyon pour Les assises internationales du roman; c'est pour cela qu'il sera en Guadeloupe au Prix des Amériques insulaires et de la Guyane.

Hier, il offrait sa Carte blanche au Studio littéraire à la Place des Arts, juste avant la remise du Prix des libraires au Lion d'or. Le reste du temps - on s'étonne qu'il lui en reste -, eh bien, «je m'occupe de mes lecteurs!»..