Kettly Mars, l'une des plus belles voix contemporaines de la littérature haïtienne (Fado, L'heure hybride), nous offre avec Saisons sauvages un autre de ses romans sulfureux, avec en toile de fond la terreur des années Duvalier.

Nirvah, superbe mulâtresse, est prête à tout pour garder en vie son mari Daniel, révolutionnaire emprisonné dans les horribles prisons de la dictature. Elle va quêter l'aide du secrétaire d'État Raoul Vincent qui, en la voyant, n'en revient pas de l'aubaine. Il la veut pour maîtresse, et il l'aura. «Maintenant la peur couche dans mon lit, je la baise, lui donne du plaisir, je profite de ses largesses. En me soumettant au secrétaire d'État je garde Daniel en vie. Pour le reste, pour demain, je ne sais rien.»

Éros et Thanatos couchent donc dans le même lit. Le sacrifice de Nirvah lui apportera plus de jouissances que prévu, et des souffrances insoupçonnées. Raoul Vincent s'incruste comme un ver dans cette famille, son désir de tout posséder n'épargnera pas les enfants. La plume poétique et impudique de Kettly Mars déborde d'une sensualité exacerbée par le danger et la culpabilité, la transgression entre les classes sociales, le rapport contre-nature entre bourreau et victime. Le tout dans la chaude nuit de Port-au-Prince, qu'on retrouve intacte dans les mots, mais détruite de l'intérieur.

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Saisons sauvages. Kettly Mars, Mercure de France, 295 pages, 32,95 $.