La vie incroyable d'un agent secret canadien, «Johnny X», qui a notamment été embauché par la Gendarmerie royale du Canada pour infiltrer les groupes nazis de Montréal au cours de la Seconde Guerre mondiale, est désormais dévoilée au grand jour dans un nouveau livre.

L'énigmatique «Johnny X», soit l'un des nombreux pseudonymes de Johann Heinrich Amadeus de Graaf, a sillonné la planète pour combattre les nazis et les communistes et ce, alors qu'il était condamné à mort.

Mais malgré ses nombreux faits d'arme, le nom de l'espion apparaît que très rarement dans l'histoire de l'espionnage du 20e siècle, notamment parce que ses archives demeurent encore sous verrou. Mais dans Johnny: A Spy's Life, les auteurs Gordon D. Scott et R.S. (Bob) Rose retracent l'histoire de l'homme, qu'ils qualifient «d'incroyable» dans leur préface.

Né à Nordenham, en Allemagne en 1894, Johnny X a écoulé le restant de ses jours dans l'ombre, à Brockville, en Ontario. Afin de gagner un peu d'argent à sa retraite, il a été, jusqu'à sa mort, en charge d'un hôtel délabré avec vue sur la mer.

Ainsi, le nouveau bouquin décrit les aventures d'un homme considéré comme un héros par certains et d'un adversaire par d'autres. Et l'oeuvre est à mi-chemin entre une biographie et un ouvrage scolaire.

L'un des deux auteurs, Gordon D. Scott, occupait lorsqu'il était petit, la maison voisine de l'espion lorsque celui-ci s'était brièvement installé à Westmount, à Montréal, avec sa femme Gerti. Il était ami avec le couple à travers ses parents, qui jouaient souvent aux cartes avec eux.

C'est en grandissant que M. Scott est devenu plus familier avec les exploits de M. de Graff. Il l'a ainsi persuadé d'enregistrer ses souvenirs sur cassette, ce qu'il a fait en 1975 et 1976, soit cinq ans avant sa mort.

M. Scott a retranscrit les enregistrements de l'espion à la retraite, et ces derniers sont devenus le squelette de ce nouveau livre.

Quant au second auteur, R.S. (Bob) Rose, il enseigne la criminologie à la Northern Arizona University de Yuma, une ville située au sud-ouest de cet Etat. L'universitaire plurilingue a laborieusement passé 14 ans de sa vie à contre-vérifier dans 13 pays les faits relatés dans cet enregistrement.

Les services secrets britanniques, ou le M16, pour qui Johnny X a travaillé à titre d'agent double au début de sa carrière, en 1933, ont refusé d'ouvrir leurs archives pour le projet de livre. Idem pour le gouvernement d'Argentine, pays où Johnny X a réalisé un certain nombre de ses exploits.

Malgré cela, M. Rose a pu soutirer du matériel du FBI et de la GRC -et a aussi eu recours aux lois d'accès à l'information- et ainsi mettre un peu de chair autour des os des mémoires de l'homme.

Le résultat de ces travaux est le récit d'un agent courageux qui prétendait travailler pour les services de renseignements russes, qui l'ont par ailleurs entraîné à Moscou en 1930, et même pour les nazis alors qu'il était en fait embauché par les gouvernements anglais et canadien. Ses différents boulots l'ont mené en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Extrême Orient, en Amérique du Sud et au Canada, où il a infiltré des groupes nazis basés à Montréal.

C'est ainsi qu'au cours de la Deuxième Guerre mondiale, l'agent spécial 235, soit le nom de code qui lui a été assigné par la GRC, a réussi avec succès sa mission qui consistait à se faire passer pour un émissaire d'Hitler. A ce titre, il a interdit aux sympathisants de saboter des usines stratégiques à moins que le F

Juhrer ne l'autorise personnellement. Cet ordre n'est bien sûr jamais venu.

Johnny X a aussi joué un rôle de premier plan lorsque le Canada a découvert l'existence du premier agent double sur son territoire. Ce dernier était arrivé sur la côte gaspésienne en 1942 par sous-marin. Il a été capturé et contraint à envoyer des messages radio en ondes courte aux nazis basés en Allemagne. Le sous-sol de la maison de Johnny X, à Westmount, est ainsi devenu la base opérationnelle pour l'opération «Watchdog».

De Graaf s'est par la suite établi à Brockville, sans pension, et est devenu citoyen canadien dans les années 1950. Anti-communiste, il a donné de nombreuses conférences dans l'est de l'Ontario et au Québec sur la «menace rouge» au Canada.

Mais Johnny X n'était pas un ange et le livre révèle certaines preuves selon lesquelles il aurait tué sa conjointe de fait parce qu'il ne lui faisait pas confiance. Il la soupçonnait notamment de trahir certaines de ses confidences. De plus, il aurait aussi été antisémite.

Mais interrogé par la Presse Canadienne,  R.S. Rose excuse l'agent secret. «Johnny avait un grand coeur, a-t-il répondu dans un courriel. Il était très généreux.»

«Il était un individu calme qui, sous pression, pouvait compartimenter les tâches infâmes que la Couronne britannique lui demandait ou l'obligeaient à faire», a dit le coauteur, défendant ainsi le personnage principal de son livre.