C'était la deuxième fois que le festival Étonnants Voyageurs devait se tenir à Haïti, après une première édition couronnée de succès en 2007. Sauf que cette fois, l'événement était précédé d'une douzaine de prix littéraires internationaux décernés à des écrivains haïtiens, ce qui ajoutait à la fébrilité et l'enthousiasme de tous.

Mais le séisme du 12 janvier en a décidé autrement.

Qu'à cela ne tienne, et par solidarité, Étonnants Voyageurs a décidé de reprendre sa programmation haïtienne à Saint-Malo, du 22 au 24 mai. «Parce qu'il n'est pas possible de rester sur ces images de destruction, peut-on lire sur le site de l'organisation (www.etonnants-voyageurs.com). Parce que nous sommes si tristes de ne pas savoir ce qu'aurait pu donner cette deuxième édition du Festival à Port-au-Prince.»

 

Le festival Étonnants Voyageurs a été créé au début des années 90 par l'écrivain français Michel Le Bris, que nous avions rencontré à Port-au-Prince la veille du tremblement de terre. Ce festival, expliquait-il, a été lancé comme un défi au monde littéraire français. «Je suis un enfant de Mai 68, nous avions le désir de se frotter au monde pour apprendre de lui. Je me sentais seul dans les années 80 dans cette dictature de l'avant-garde et du nombril, cette littérature qui n'avait d'autre objet qu'elle-même, ce qui a eu pour conséquence une mise en parenthèses du monde.» Et un isolement des lettres parisiennes, qui, à son avis, sont devenues une «lointaine banlieue un peu blasée» sur la planète. «La France dont ils parlent n'existe plus, elle est depuis longtemps multiple.»

C'est à son initiative, et celle de Jean Rouaud, Alain Mabanckou et Abdourahmane Waberi, qu'a été lancé le Manifeste pour une Littérature-monde en français publié dans le journal Le Monde, et repris dans un ouvrage collectif chez Gallimard en 2007, signé par une cinquantaine d'écrivains - dont le Nobel Le Clézio.

Sur le site d'Étonnants Voyageurs, Michel Le Bris a écrit, de retour de la catastrophe: «Je serre les poings: à la radio, j'ai pu entendre des bribes de reportages: en boucle, les papiers sur les pillages, les sempiternels clichés sur la fatalité d'Haïti. Qui dira l'incroyable dignité de ces gens, leur solidarité dans le malheur, leur calme? Qui enfin dira comment cette île fut brisée, mise à genoux parce qu'elle avait osé se révolter? Qui dira cette incroyable puissance de création qui l'habite? Oui, Dany (Laferrière) a raison: il faut que les écrivains fassent ce qu'ils savent faire, écrire, pour dire Haïti, à la face du monde.»

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Ne manquez pas, dans le cahier Arts et spectacles de demain, notre dossier sur la littérature et la peinture haïtiennes.