À l'ombre d'Underworld USA de James Ellroy, 491 romans français et étrangers sont lancés à Paris en ce début 2010.

On a beau porter aux nues une vingtaine de grands romanciers américains contemporains, on en viendrait presque à prendre en grippe le très inspiré James Ellroy quand on subit à Paris l'actuel tsunami baptisé Underworld USA. Même la dévotion qui entoure la sortie de tout opuscule signé Philip Roth paraît modeste en comparaison de l'actuelle ellroymania. Les grands romans littéraires américains, ce n'est pas nouveau et c'est souvent mérité, écrasent tout sur leur passage en France.

De quelque côté qu'on se tourne, James Ellroy occupe une grosse moitié des pages littéraires des grands médias, du Monde à Libération, en passant par Le Nouvel Observateur et Télérama. Underworld USA est d'ores et déjà consacré événement de la saison ou roman de l'année. Vous poussez la porte d'une petite librairie de la Bastille: Ellroy y signait des livres la veille. Le jour précédent, il était au Divan, librairie Gallimard. Quelques jours plus tôt, il attirait 800 spectateurs au théâtre du Rond-Point pour une lecture (en anglais) dans la tradition de Truman Capote. Sans surprise, son époustouflant roman arrive en tête des meilleures ventes en librairie. Y compris devant les gros succès commerciaux français et... américains.

Signalons tout de même la sortie, pour cette «deuxième rentrée» littéraire parisienne, de 166 autres romans étrangers. Dont un nouveau Sepuldeva, L'ombre de ce que nous avons été, aux éditions Métaillié, assuré de faire un tabac. Dans un registre moins commercial, l'opiniâtre maison québécoise Les Allusifs, très estimée en France, a déniché un court roman inédit de 1976 de la célèbre romancière américaine Joyce Carol Oates, Le triomphe de l'homme-araignée.

324 fictions françaises

Comme d'habitude, la rentrée de janvier est dominée par les auteurs confirmés, qui ne cherchent plus les prix littéraires. À commencer par une demi-douzaine d'anciens prix Goncourt: Dominique Fernandez, Gilles Leroy, Patrick Grainville. Les médias ont particulièrement noté, chez Gallimard, Entrée des fantômes, de Jean-Jacques Schuhl, qui n'avait rien publié depuis son Goncourt de 2000 pour Ingrid Caven. Autres valeurs sûres: Marc Lambron, pour Théorie du chiffon chez Grasset, Christian Gally (Minuit) avec Lily et Brain, ou Olivier Rolin pour Bakou, derniers jours (Seuil). Sans oublier le nouveau roman de Yasmina Khadra chez Julliard: L'Olympe des infortunes. Et un inédit posthume du romancier suisse Jacques Chessex, Goncourt 1973, mort en octobre dernier, Le dernier crâne de Sade (Grasset). Une fantaisie sur les derniers jours du Divin marquis et les tribulations de ses restes après sa mort. Dans son pays natal, Chessex vient d'avoir l'honneur d'un classement «X», et son roman ne peut y être vendu que sous cellophane avec la mention «Réservé aux adultes». Ce qui donne envie de le lire.

Duel de dames

Parmi les nouveautés qui défraient la chronique médiatique ces jours-ci, un étonnant duel féminin à distance. Marie Darrieussecq, rendue célèbre en 1996 avec Truismes, publie son «premier et dernier essai», Rapport de police, toujours chez P.O.L., un livre sérieux et fort documenté sur le thème et le fantasme du plagiat en littérature. La raison, que beaucoup connaissent: pour avoir publié en 1998 un roman où il était question de fantômes, la romancière a été accusée de «singerie» par Marie N'Diaye. À la suite de la publication de Tom est mort, en 2007, elle a été cette fois accusée de «plagiat psychique» par Camille Laurens, elle-même pilier de la maison P.O.L., et qui avait publié en 1995 un roman, Philippe, consacré à la mort de son nouveau-né. Pris au milieu de la bataille, l'éditeur Paul Otchakovsky-Laurens s'était senti obligé de choisir, et avait «congédié» Camille Laurens par voie de presse. Dans Romance nerveuse (Gallimard), cette dernière revient maintenant sur ce qui a été pour elle - à tort ou à raison - une douloureuse injustice. Mais le sujet principal de cette nouvelle «autofiction» - particulièrement brillante et prenante même si on n'est pas un fan de ce genre littéraire - est sa liaison chaotique avec un paparazzi baroudeur, provocateur, très peu fiable et amateur de sites homosexuels.

Autre événement médiatico-littéraire: le nouveau roman de Franz-Olivier Giesbert, écrivain, journaliste politique, patron du Point, animateur d'émissions littéraires à la télé. Cela s'appelle Un très grand amour (Gallimard). Un surprenant récit où un ancien animateur d'émissions littéraires, devenu un écrivain sans lecteurs, raconte comment il a rencontré la femme de sa vie, et comment celle-ci finit par le plaquer, après quelques années, au moment où il découvre - avec les détails qu'on imagine - son cancer de la prostate. Dans un avertissement liminaire, «F.O.G.», éternel jeune homme et puissance incontournable de la scène parisienne, précise que «tous les personnages sont purement imaginaires, sauf l'amour, le cancer et moi-même». Un aveu qui a déjà fait couler beaucoup d'encre.