Faut-il y voir une empreinte féministe plus prononcée? Une influence plus marquée du roman-miroir? À la lecture de quelques titres récents, la poulette québécoise se distingue de l'américaine. Beaucoup plus ordinaire et réaliste, la jeune fille ne navigue pas dans les hautes sphères et ne fait pas une aussi grande fixation sur son apparence et la marque de ses vêtements. Dans certains cas, elle emprunte juste assez à la chick lit (humour, ton du journal intime, illustrations et influence de la culture pop) pour qu'on la qualifie de «poulette».

Des poulettes québécoises

> Le Journal d'Aurélie Laflamme, tome 6, India Desjardins, Les Intouchables

Gaffeuse, attachante, Aurélie, 16 ans, fait preuve d'autodérision, de sens critique et d'humour. Elle raconte sa vie quotidienne, son déménagement, ses efforts pour éviter son ex à l'école, son séjour en camping avec ses grands-parents, ses premières expériences de travail, ses émois amoureux. Elle accorde une grande importance à sa relation avec ses meilleurs amis, Kat et Tommy (son ami «gars»). En deuil de son père, en conflit avec sa mère, elle a une peur phobique des araignées. Elle lit des magazines, s'intéresse à la décoration. Les références à la culture québécoise et populaire sont présentes: on fête la Saint-Jean sur des airs de Malajube; une affiche du beau vampire de Twilight orne le mur de sa chambre.

«Et ma relation avec Robert Pattison/Edward Cullen me convient trop parfaitement. C'est zéro compliqué. Et, bien que je n'aie aucun échantillon de son ADN pour nous cloner dans le futur, je trouve que c'est la relation parfaite.»

> (k), Sophie Bienvenu, Epizood (La courte échelle)

À la différence de plusieurs romans de chick lit, où l'amour n'est qu'un sujet parmi d'autres, ce feuilleton tourne autour de l'histoire d'amour-haine de la narratrice, Anita, 16 ans, jeune fille «ordinaire», et du beau Kevin (k), dans le genre mauvais garçon, du moins en apparence. Elle essaie de se venger en se faisant passer pour une autre par courriel, tout en continuant de sortir avec Jonathan qui, lui, est pressé de coucher avec elle. Elle travaille les fins de semaine au dépanneur où elle lit La ferme des animaux. Dans une langue proche de celle parlée par les adolescents et entrecoupée de messages MSN, elle raconte avec beaucoup d'imagination sa relation avec (k), y compris le désir sexuel qu'il lui inspire, ses discussions avec ses parents ou son grand frère homosexuel.

«Sauf que, comme toujours dans mes plans, il y a eu un fuck. Un fuck majeur.»

> Rock'n Rose, Marie Hélène Poitras, Epizood (La courte échelle)

Le roman-feuilleton est à cheval entre deux mondes, entre le rêve de célébrité et de pop rose bonbon de Juliette, 16 ans, et la passion pour la musique rock de Simone, son amie musicienne. La première, belle princesse riche, participe à une téléréalité du genre Pussycats Dolls, est coincée dans une histoire de vidéo olé olé à la Paris Hilton, se fait tatouer, goûte à l'ecstasy... La seconde, plus réaliste, l'accompagne dans les bars avec de fausses cartes, joue dans un groupe grunge, se passionne pour la musique et s'insurge contre le machisme du monde du rock, qui relègue les filles au rôle de potiche sexy. En toile de fond: les amours de chacune. Les références à des groupes de musique sont innombrables. Les grandes premières de l'adolescence se succèdent à toute vitesse sans qu'on ait le temps de les approfondir. La formule du feuilleton y est sans doute pour beaucoup.

«Plutôt mourir que de passer inaperçue.»

> Psy malgré moi, tomes 1 et 2, Marie-Sissi Labrèche, Epizood (La courte échelle)

Ariane, 14 ans, vient d'arriver dans une nouvelle polyvalente. Après la mort de sa grande soeur, toute la famille a quitté la campagne pour s'installer à Montréal. À la maison, elle doit composer avec une mère dépressive. À l'école, elle tente de faire sa place entre la chef des «pitounes» et celle qui terrorise tout le monde mais qui deviendra son amie. L'héroïne se révèle forte malgré ses doutes. Elle fait preuve d'humour et de compassion, rêve d'attirer l'attention du «beau Justin». Devenue malgré elle la «psy de service», elle vient en aide entre autres à une fille de 12 ans qui se croit enceinte. En une quarantaine de pages, la question est bouclée, avec un message sur l'importance de ne pas se laisser manipuler par un chum plus âgé.

«Si tu m'aimes, tu iras à mon rythme. Et tu mettras un condom quand on le fera!»

Une poulette britannique

> Lottie Biggs n'est presque pas cinglée, Hayley Long, Collection Bliss, Albin Michel

Excessive, parfois insolente ou colérique, Lottie Biggs pose un regard cynique, souvent déprimé mais aussi plein d'humour et d'autodérision sur sa vie. Elle travaille la fin de semaine dans un magasin de chaussures d'une petite ville du pays de Galles. Au centre de sa vie: ses relations avec sa meilleure amie (avec qui elle partage une passion pour les colorants capillaires), ses premières amours, ses relations avec sa mère et ses collègues de travail. Elle raconte sa vie avec force jeux de caractère et dessins dans les marges. Elle se découvre en cours d'histoire un trouble mental «relativement grave», qui donne une tout autre dimension au roman.

«Avant que Goose et moi ne soyons amies, j'avais les cheveux BEIGES.»

Une inclassable poulette française

> Teen song, Claudine Desmarteau, Albin Michel

Inclassable et peut-être pas représentatif de la chick lit pour ados. Ici, pas de princesses en couverture mais un portrait au crayon de Jimmy Page. On trouve l'humour et la formule du journal intime, un ton insolent, drôle et cru, des tas de dessins délirants de l'illustratrice et auteure Claudine Desmarteau. Une fan finie de Led Zeppelin de 15 ans narre ses angoisses, ses déboires dans une école privée catholique (avec sa copine Alice, elle fait un tag contre un prof dans les toilettes), les effets de la crise financière sur son beau-père, ses amours avec Victor et surtout sa passion absolue pour Led Zeppelin.

«On a trop de trucs à apprendre, à 15 ans. Le français, les maths, l'histoire-géo, l'anglais, l'espagnol, la physique... c'est rien. Le plus dur c'est tout le reste. Embrasser, fumer, caresser. Baiser. Je crois que les mecs sont encore plus morts de trouille que nous.»

Des poulettes américaines

> Gossip Girl, tome 14, Cecily von Ziegesar, Fleuve noir

Contrairement à un autre type de chick lit, cette série à succès n'est pas rédigée à la première personne du singulier, à l'exception du blogue du titre. Peut-être parce qu'on ne peut pas (ou on ne doit pas) s'identifier aux protagonistes? Ici, nulle trace d'humour noir comme dans une certaine chick lit à l'anglaise. On entre plutôt dans la vie superficielle des filles très riches et méchantes. Malgré leurs 16 ans, ces filles et garçons de l'Upper East Side mènent une vie d'adultes, boivent outre mesure, font des galipettes dans les toilettes d'un resto, partent en voyage sur un coup de tête. On magasine différentes thérapies, on se jalouse et on se venge à coups de rumeurs assassines jusque dans les pages du Metropolitan. Les vêtements font l'objet de descriptions détaillées. Les romans ont précédé de peu le lancement de la série télé du même nom.

«Jack Laurent couche-t-elle pour accéder au top des lofts Cashman? Une photo, à côté du texte, montrait Jack et J. P. en train de s'embrasser devant Barneys.»

> Meilleures amies, Pires ennemies, Alexa Young, Michel Lafon

Pour une histoire de nouveau look et de nouvelle amitié avec les pom-pom girls, deux jeunes filles fortunées et jadis inséparables se livrent une guerre sans merci. Sur son blogue, la toute-puissante Avalon rédige les diktats de la mode, attaque les autres sur leur look. Au menu: rumeurs et mesquineries entre filles dans une école huppée de Los Angeles.

«Sa mère n'avait pas sitôt garé sa Mercedes décapotable couleur champagne que Halley en descendait déjà pour traverser à toutes jambes leur salon ultramoderne et filer au jardin qui jouxtait la propriété d'Avalon Greene.»

> Violette, fashion mais pas victime, Melissa Walker, Calmann-Lévy

Une jeune fille de 18 ans retourne au métier de mannequin à l'insistance de son agente, crée scandale en dépeignant sur son blogue les exigences anorexiques du milieu de la mode et entretient des relations pas très claires avec son meilleur ami.

> Blonde, Meg Cabot, Hachette

Plus portée sur les jeux vidéo que sur la mode, dont elle critique les critères de beauté, une fille de 16 ans au nom de garçon (Emerson) se réveille un matin dans la peau d'une top-modèle en vue. Par l'auteure du populaire Journal d'une princesse.