Nous étions cinq dans la salle, six si l'on compte Ionela Manolescu, la conférencière de l'Association canadienne des écrivains roumains venue déposer son «obole à la littérature».

Son sujet: Villon trilingue. La dame a traduit en roumain et en français les ballades que François de Montcorbier dit Villon (1431-1463?) a écrites en «jargon des coquillards», au temps qu'il fréquentait la Coquille, mafia d'escrocs et de crocheteurs du milieu du XVe siècle.

Le jargon, on le sait, est une langue propre à un groupe ou à un milieu - le jargon de l'édition, parlé au Salon, par exemple -, «langage à vocation cryptique et de reconnaissance» où, lit-on sur Wikipédia, un homme riche est un «godiz» qui se promène avec une «feullouze» (bourse) bien remplie.

Villon, célèbre pour sa Ballade des pendus - «Frères humains qui après nous vivez» ... - a écrit 11 ballades en jargon, qui constituent le corpus de la trilogie de Mme Manolescu. L'auteure illustre et publie elle-même ses ouvrages tirés à 20 exemplaires et disponibles au stand de L'Association des écrivains roumains (#520).

«C'est là tout le sens de ma vie», dira Ionela Manolesco, «monument de langues» qui a donné sa conférence en français parce que le roumain du journaliste de La Presse laisse grandement à désirer. Merci.

Déficiente aussi, ma connaissance de la cuisine amérindienne. Une carence plus facile à combler cependant, grâce à Pachamama - Cuisine des Premières Nations (Boréal) de Manuel Kak'wa Kurtness, que nous a présenté notre collègue Stéphanie Bérubé, le mois dernier.

Le jeune homme - ancien attaché politique du chef de la nation innue - a visité 13 communautés de 11 nations du Québec et de l'Ontario, pérégrinations gastronomiques dont il a rapporté 33 recettes. «Il s'agissait d'allier la tradition à la réalité moderne, en tenant compte de la disponibilité des ingrédients. La salicorne, par exemple, qui ressemble à l'asperge, pousse juste sur le bord de la mer.» Pas de salicorne dans le simili-castor, une invention de Kurtness inspirée d'un mets ancien de la nation pekuakamiulnuatsh (les Montagnais du lac St-Jean).

M. Kurtness en parlera peut-être ce midi au cours de la conférence qu'il donne en compagnie de Pierre Carrier du traiteur Agnus Dei (à midi trente au Carrefour Desjardins). Ou sera-ce l'esturgeon et queue de boeuf braisée version abénaquise?

Les Autochtones nous ont aussi légué la raquette, parfaite pour aller lever les collets, quand on veut inclure du lièvre dans la recette du petit gibier en sauce façon odawa.

En 1879, toutefois, un Norvégien du nom de Birsch est arrivé rue McGill chaussant une autre sorte de raquettes. Ses «raquettes norvégiennes» étaient en fait d'étroites planches de bois de neuf pieds de long qui permettaient à celui qui les chaussait de glisser sur la neige. Plus rapides donc que les chaussures de babouche, conçues pour empêcher le piéton d'hiver de toutes les origines ethniques de caler dans la neige jusqu'au cul.

Pour faire sa démonstration, Birsch partait ce jour-là pour Québec et, quelques années plus tard, un nouveau mot venu des Europes désignait les chaussures de bois et leur sport: ski. Avec un dans chaque pied, on pouvait aussi dévaler des pentes, nombreuses au nord, une fois passé Saint-Jérôme.

En 1904, Montréal a son ski club et une folie nouvelle s'empare du pays. The rest is history, comme on dit, une histoire magnifiquement racontée par Danielle Soucy dans Des traces dans la neige - Cent ans de ski au Québec, paru aux Éditions La Presse.

La qualité de l'iconographie et de l'impression placent ce livre (256 pages, couverture rigide) au sommet du palmarès des beaux livres de la saison, avec Vivre l'hiver au Québec de Normand Cazelais (Fides).

Des traces dans la neige, je l'affirme sans crainte, constitue l'un des meilleurs livres de sport de l'histoire de l'édition québécoise. De la grande ouvrage.