De sa belle main, Henry Bohadana écrit mon nom sur un carton du consulat général d'Israël à Montréal. De droite à gauche, parce qu'il écrit en hébreu, une vieille langue sémitique où les voyelles sont marquées par des points. Autour des consonnes dont les noms peuvent sonner une cloche: Aleph, Beth...

Henry est arrivé à Montréal en 1966. Il venait de l'Afrique du Nord, du Maroc précisément, qui était sous protectorat français comme l'Algérie et la Tunisie, «des pays où l'on parle bien le français», dit-il... en se reprenant aussitôt: «Je veux dire où l'on parle aussi le français...» Ben oui.

Artiste autoproclamé, il a toujours gagné sa vie dans la publicité, se consacrant les soirs, à la calligraphie, sa passion. Il me montre des «Shalom» (Paix) en forme de fleur, de vieux adages dont les propositions profilent une colombe et il rédige, toujours de sa belle main, des centaines de contrats de mariage dont le texte n'a pas changé depuis des siècles.

Ses livres à lui sont les livres d'or, les livres d'honneur des grandes institutions comme le Montreal Jewish Hospital et les synagogues - il y en a une cinquantaine dans la métropole - dans lesquels il écrit les textes relatant le passage de visiteurs de marque. Dont plusieurs se prénomment Daniel, en passant, un des quatre sages de la tradition juive, avec Michaël, Azaria et Hanania, tous jetés dans la fosse aux lions. Qui n'en ont pas voulu parce que Dieu avait coupé la faim aux fauves...

De l'autre côté de l'allée, deux affiches annonçant des romans de Philip Kerr nous rappellent que Dieu, quelques siècles plus tard, avait choisi la non-intervention. La trilogie berlinoise et La mort entre autres (Éditions du Masque) racontent l'histoire de Bernie Gunther, un ancien SS devenu détective privé. «L'action» commence à Berlin en 1937-1938, des belles années... À côté de ça, écrit notre collègue Norbert Spehner sur le bandeau, «Millenium ressemble à du fast-food pour midinettes».

Les affaires vont plus doucement dans Le voyageur qui n'arrive jamais de Gilles Proulx, mais «ça brasse quand même un peu», nous dit l'ancien radioman qui, à 69 ans, n'en finit plus de ratisser le monde, du Groenland à la Nouvelle-Calédonie.

«Je n'ai jamais tant travaillé que depuis que j'ai quitté la radio», nous dit l'ancien redresseur de torts du Journal du midi (CJMS), qui mène une vie plus rangée depuis son quadruple pontage coronarien. «Faut s'ajuster... Là, je suis rendu à 45 conférences avec ce livre et j'ai aussi une série à canal Vox sur les lieux méconnus du Québec: le Fort Chambly, la Maison St-Gabriel, des places comme ça.»

Le voyageur qui n'arrive jamais de Gilles Proulx a paru chez Michel Brûlé qui arrivait, lui, de Québec où avait lieu le lancement du nouveau titre de sa maison: La souveraineté du Québec - Hier, aujourd'hui et demain de Jacques Parizeau. «On en a vendu 600 dans les lancements à Québec et à Montréal!» Faut en vendre plus que ça pour arriver à 50 % plus un...

Peut-être en additionnant les ventes de L'énigme du retour de Dany Laferrière... Qu'une petite foule attendait déjà à 17 h 30 pour la séance de dédicace de 18 h. Le lauréat du Médicis et du Grand Prix du livre de Montréal 2009 est arrivé plus tôt au stand du Boréal et s'est mis de suite à la tâche avec son gros crayon-feutre noir. C'est son bout préféré du métier d'écrivain.

Laferrière écrit bien... mais à l'ordi. Pas fort en calligraphie, par contre. Meilleur en dessin dont il agrémente ses dédicaces. Mais pourquoi ce gros crayon? «Bah... Ça donne du poids à mes mots.»