Comment va la caricature au Québec? Assez bien... pour l'instant. En 2009, les bons sujets n'ont pas manqué. Mais, comme celui des journaux, l'avenir du métier demeure incertain. Alors qu'on publie une Histoire de la caricature au Québec, et la rétrospective annuelle de quatre caricaturistes québécois, La Presse remonte dans le temps et fait le point sur l'avenir.

Grosse année pour nos caricaturistes. Entre la crise économique et l'entrée en scène d'Obama, le départ de Dion et l'arrivée d'Ignatieff, les enveloppes brunes, le bateau d'Accurso et les élections municipales, Vincent Lacroix, Guy Laliberté et la course à la direction de l'ADQ, nos éditorialistes du croquis ont eu de quoi se mettre sous la dent.

Autant dire qu'on se régalera, nous aussi, en feuilletant leurs rétrospectives 2009, qui sont lancées cette semaine à l'occasion du Salon du livre. Outre L'année Chapleau, publié pour la 10e année chez Boréal, Les Éditions La Presse sortent le best of d'André-Philippe Côté (Le Soleil) tandis que les Intouchables et Michel Brûlé se chargent de Garnotte (Le Devoir) et Beaudet (ruefrontenac.com) avec son Blues d'un caricaturiste en lock-out.

Jusqu'ici, rien de très nouveau. Ces bouquins illustrés sont devenus une véritable tradition de fin d'année et un choix quasi imposé pour nos échanges de cadeaux du temps des Fêtes. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est cette Histoire de la caricature au Québec, qui paraît également ces jours-ci chez VLB, et qui nous offre un tout autre point de vue sur la patente.

Loin de l'actualité quotidienne, ce bouquin écrit à quatre mains par les historiens Mira Falardeau et Robert Aird raconte plutôt l'évolution d'un art populaire, de ses débuts jusqu'à aujourd'hui. Un survol abondamment illustré (plus de 200 vignettes) qui retrace non seulement l'histoire de la caricature, mais aussi celle de la vie sociale et de la politique au Québec depuis 350 ans.

Deux âges d'or

C'est qu'ils remontent à loin, nos premiers dessins d'humour. Dès la conquête britannique, pour être plus précis, puisqu'on y mentionne un certain George Townshend, qui ne se privait pas pour se gausser du général Wolfe avec ses croquis sans pitié.

Mais c'est au milieu du XIXe siècle que la caricature québécoise atteint son premier âge d'or. Cette période faste correspond à la naissance des journaux satiriques (Grip, Le Farceur, Charivari, Le Canard) qui s'imposent d'emblée auprès du lectorat. «C'est devenu rapidement très populaire, résume Mira Falardeau. Et ça durera au moins jusqu'à la Confédération.»

Avec l'arrivée de la grande presse quotidienne (fin XIXe siècle), la presse satirique disparaît et la caricature s'institutionnalise. On ne parle plus de dessinateurs satiriques, mais de «caricaturistes-éditorialistes». De nouveaux noms apparaissent, dont ceux d'Henri Julien au Montreal Star (oui, comme la rue) et Albéric Bourgeois à La Presse. Puis, c'est le deuxième âge d'or, et l'émergence d'une autre génération d'artistes, incluant Normand Hudon et Robert Lapalme, qui se font connaître pendant l'entre-deux-guerres, avec une griffe moderne et singulière. «Ils ont fait école, fait valoir Mme Falardeau. Ils avaient en plus la proie idéale avec Maurice Duplessis!»

C'est, depuis, le règne du perfectionnement. De Girerd et Berthio, à Côté, Chapleau ou Aislin (The Gazette), les caricaturistes d'ici ne feront que confirmer leur statut d'innovateurs, en restant à l'affût des techniques d'avant-garde. Artistiquement, c'est d'ailleurs peut-être ce qui les distingue, estime Mme Falardeau, en évoquant autant l'invention de la leggotypie (1870) que le récent passage de Gérard D. Laflaque au numérique. «Nos caricaturistes ont toujours fait partie des mouvements de tête. Dès qu'il y a une innovation, on l'adopte.»

Blogue-moi un dessin

Et l'avenir? Tout dépendra. Avec l'évolution des médias vient celle du métier lui-même. Alors que la presse écrite traverse une crise sans précédent, le nombre de caricaturistes ne cesse de diminuer. C'est particulièrement le cas aux États-Unis, où la politique du «feature syndicate» fait des ravages, certains groupes de journaux ne publiant désormais qu'une seule et même caricature dans tous les quotidiens de la chaîne, ce qui entraîne par la bande une déplorable généralisation du contenu.

Au Québec, on n'en est pas encore là. Mais «c'est un scénario possible», admet Mira Falardeau.

Les prochaines générations de caricaturistes devront-elles trouver leur salut sur le web? Dans des blogues?

«J'ose l'espérer, conclut Serge Chapleau. Mais je ne vois pas encore la lumière au bout du tunnel. Pour l'instant, je ne vois pas l'intérêt de publier sur son blogue. Ça reste plus intéressant de caricaturer dans un environnement réfléchi, comme un gros journal. Nos dessins ont toujours plus de poids quand on est entourés de gens sérieux...»

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Marc Beaudet - Le blues d'un caricaturiste en lock-out (Michel Brûlé), séance de signatures aujourd'hui de 13 h à 14 h 30

André-Philippe Côté - De tous les... Côté 2009 (Éditions La Presse), séance de signatures aujourd'hui 18 h 30 à 20 h

Serge Chapleau - L'année Chapleau 2009 (Boréal), séance de signatures samedi de 13 h 30 à 15 h

Garnotte - Garnotte 2009 (Les Intouchables), séance de signatures samedi de 12 h à 13 h 30

Mira Falardeau et Robert Aird - Histoire de la caricature au Québec (VLB), séance de signatures samedi de 13 h à 15 h et de 17 h 30 à 19 h