Il n'y avait pas grand monde devant la table d'André Ledoux, hier vers 16 h. Il n'y avait pas grand monde, point, au Salon du livre. Une demi-heure plus tôt, les autobus jaunes étaient repartis avec leurs précieuses cargaisons d'«adolecteurs», le groupement humain post-moderne le plus prompt à se prononcer sur la valeur d'une BD ou d'un roman: c'est «cool» ou c'est «poche». Le Salon accueillera 18 000 écoliers d'ici lundi. Gratuitement.

Aucun des 4000 qui ont visité le Salon hier ne s'est arrêté devant De l'homme en crise à l'homme nouveau qu'André Ledoux vient de faire paraître chez Option Santé. Et qui vise à faire le point sur la condition masculine. M. Ledoux élabore sur la thèse que Jean-Philippe Trottier a exposée l'an dernier dans Le grand mensonge du féminisme (Michel Brûlé): «L'homme québécois a subi une triple castration. D'abord par l'Anglais, ensuite par l'Église et, depuis 1960, par les féministes. L'homme nouveau doit assumer sa masculinité et s'engager dans des activités valorisantes», avance cet ancien prof de français de la CECM. Le monsieur n'est pas à la tête d'une secte hoministe et n'a jamais escaladé le pont Jacques-Cartier (voir www.blogauteurs.net).

Tranquille aussi au stand de la Société généalogique canadienne-française où la présidente Gisèle Monarque a eu le temps de nous expliquer que ce loisir peut devenir une «maladie» et nous pousser dans de lointains cimetières ou centres d'archives, en France ou ailleurs.

Internet et les nouvelles techniques documentaires, on s'en doute un peu, ont beaucoup changé le visage de la recherche généalogique mais les bons vieux cahiers ont encore leur place. Ainsi la SGCF vient de lancer une édition revue et augmentée de Les passagers du Saint-André - La recrue de 1659. L'étude originale, publiée en 1964, est l'oeuvre d'Archange Godbout (de l'Ordre des Frères mineurs), qui a fondé la Société. Parti de LaRochelle, le Saint-André a accosté à Québec le 7 septembre 1659 avec une centaine de personnes à son bord, dont Jeanne Mance qui revenait au pays. Du nombre, des ancêtres français qui sont restés et dont les descendants sont à ce 32e Salon du livre à titre d'auteurs ou à un quelconque autre titre: Avrard, Cardinal, Courtemanche, Dubreuil. Et d'autres moins connus comme Trudeau... (www.sgcf.com)

Kees Vanderheyden, lui, ne recherchait pas ses ancêtres néerlandais mais la petite Allemande que sa mère avait accueillie après la Seconde Guerre mondiale. Et qui a vécu dans la ville (Tilburg) et la maison mêmes que la Wehrmacht avait occupées quelques années auparavant.

La petite fille s'appelait Traudi et Vanderheyden (un ancien de Radio-Québec) a déjà raconté son histoire et la sienne dans La guerre dans ma cour (Boréal Junior). Anne Villeneuve l'a reprise dans un livre destiné aux 9 ans et plus et, hier, en ouverture du Salon, Chère Traudi (Les 400 Coups) a remporté le prix Marcel-Couture, doté de 5000 $. Devant des finalistes de fort calibre: L'Étoile de Sarajevo de Jacques Pasquet et Pierre Pratt (Dominique et compagnie), Montréal Chaud Show de Carmel Dumas (Fides), Confessions animales - Bestiaire II de Serge Bouchard (Éd. du Passage) et Mistissini, terre des Cris d'Anaïs Cosset et Hubert Mansion (Cornac).

Le jury était présidé par Pierre Cayouette qui, avec ses collègues, a vite reconnu dans Chère Traudi l'originalité et l'audace que veut récompenser le prix Marcel-Couture (du nom d'un ancien cadre d'Hydro et ancien président du SLM). Chère Traudi a aussi remporté le prix TD de littérature canadienne pour l'enfance et la jeunesse, le mois dernier.

C'est beaucoup d'honneurs mais Anne Villeneuve nous l'a avoué sans ambages: elle n'a «aucun problème avec ça». Des projets? «Je vais continuer à écrire des livres qui vont me surprendre moi-même.» Beau plan.

Quant à Kees, il était doublement content: il a reçu une lettre de Traudi hier matin...

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Autre prix signifiant: Lise Bissonnette, qui a quitté la présidence de Bibliothèque et Archives nationales du Québec le printemps dernier, recevra demain le prix Fleury-Mesplet, remis annuellement par le Salon du livre à une personne qui a contribué au progrès de l'édition au Québec.

La «mère» de la Grande Bibliothèque va livrer un grand discours, c'est écrit.