Patrick est l'archétype du fameux cordonnier mal chaussé. Ni beau ni laid, sans âge et sans caractère, complètement dépressif après une rupture difficile, ce pauvre diable travaille pourtant dans une boutique de farces et attrapes, où il vend du rire en plastique aux consommateurs de joie de vivre.

On dirait Kafka perdu à La Ronde. Plus rien ne l'anime. Le soir, seul et amorphe, il mange des nouilles en boîtes et boit du vin bon marché. Par l'un de ces petits hasards de la vie, Patrick rencontrera une jeune artiste, une acrobate avec qui il se liera d'amitié, puis, on s'en doute, d'amour. Le coeur de cet homme amoché reprendra peu à peu ses couleurs. Mais rien n'est acquis...

Le génial Rabaté, par son dessin limpide, son savant usage des teintes (souvent jaunasses et brunâtres ici), son économie de mots, parvient encore à rendre fascinante une histoire sans éclat, une histoire ordinaire avec des personnages peu flamboyants. Rabaté réussit à nous émouvoir sans tomber dans le pathos, à nous faire sourire sans forcer la farce.

On serait tenté de dire que Le petit rien tout neuf avec un ventre jaune (publié par Futuropolis), avec ces quelque 100 pages, est une sorte de «roman graphique». Mais la littérature interdit le silence.

Ce silence si magnifiquement rendu ici en images simples, sans paillettes, images fortes qui parlent d'elles-mêmes de la solitude, de la mélancolie, de l'ennui et de l'espérance perdue ou retrouvée.

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Le petit rien tout neuf avec un ventre jaune. Rabaté. Futuropolis, 100 pages, 33,95 $.