La romancière Marie NDiaye «persiste et signe» jeudi ses propos sur la France «monstrueuse» de Sarkozy, estimant que «le devoir de réserve» qu'avait évoqué un député de droite choqué par les déclarations de la lauréate du Prix Goncourt 2009, ne la concernait pas.

Le député Éric Raoult, dont les propos ont provoqué un tollé dans les milieux littéraires et l'opposition, a nuancé jeudi sa position, réclamant désormais un «devoir de modération».

«Le devoir de réserve s'applique aux fonctionnaires», a déclaré sur la radio France Inter la romancière, d'origine sénégalaise, qui a récemment obtenu le plus prestigieux des prix littéraires français pour Trois femmes puissantes.

«Je ne vois pas ce qui depuis le mois d'août a changé pour que je veuille revenir sur ces propos. Je persiste et signe», a-t-elle ajouté.

Dans un entretien publié en août par le magazine les Inrockuptibles, Marie Ndiaye, 42 ans, expliquait pourquoi elle avait choisi de vivre à Berlin avec son compagnon et leurs trois enfants depuis deux ans.

«Nous sommes partis juste après les élections», disait-elle, «en grande partie à cause de Sarkozy (...) Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson (ministre de l'Immigration), Hortefeux (ministre de l'Intérieur), tous ces gens-là, je les trouve monstrueux». «Je trouve cette France-là monstrueuse», affirmait-elle aussi en réponse à la question «Vous sentez-vous bien dans la France de Sarkozy?».

Avant le début de la polémique, Marie NDiaye avait toutefois estimé ses propos «très excessifs» dans un entretien lundi à la radio Europe 1.

Mais «avec la publication de ce texte grotesque et hallucinant d'Éric Raoult», a expliqué mercredi la romancière sur le site internet de l'hebdomadaire le Nouvel Observateur, «il n'est plus nécessaire d'affiner mes propos».

Éric Raoult (UMP, parti présidentiel) avait interpellé mardi le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand sur ces propos «insultants», estimant qu'en tant que lauréate du Prix Goncourt, elle se devait de «respecter la cohésion nationale et l'image» de la France.

Il avait alors mis en avant un «devoir de réserve dû aux lauréats du Prix Goncourt».

Jeudi, le député a nuancé son propos en suggérant à Marie NDiaye non plus de respecter un «devoir de réserve», mais un «principe de modération», reconnaissant que seuls les préfets étaient astreints à ce devoir.

Pressé à la fois par Marie NDiaye et Éric Raoult de réagir, Frédéric Mitterrand a refusé d'entrer dans cette «petite polémique» qu'il a jugée «anecdotique et, pour tout dire, ridicule».

«Je n'ai pas à arbitrer entre une personne privée qui dit ce qu'elle veut dire et un parlementaire qui dit ce qu'il a sur le coeur (...) Ca me regarde en tant que citoyen, ça ne me concerne pas en tant que ministre», a-t-il déclaré.

Après «l'intervention du ministre, Marie NDiaye estime la polémique close», indiquait-on jeudi chez son éditeur, Gallimard.

De grands noms du monde littéraire se sont élevés contre le «devoir de réserve», notamment parmi les membres du jury Goncourt, comme Françoise Chandernagor, Bernard Pivot, Tahar Ben Jelloun ou encore Patrick Rambaud. Ce dernier a estimé qu'Éric Raoult «confond le prix Goncourt avec Miss France».

Le débat continuait à agiter jeudi le monde politique. La dirigeante du parti socialiste Martine Aubry a jugé la démarche du député «inacceptable», défendant le «rôle éminent d'alerte et d'interpellation du pouvoir» des écrivains.

Le leader centriste François Bayrou a affirmé qu'un écrivain avait un «devoir de liberté» et non «de réserve», alors que l'eurodéputé d'Europe Ecologie Daniel Cohn-Bendit estimait que «chacun doit pouvoir dire ce qu'il pense et critiquer Nicolas Sarkozy s'il le veut».