Le prix Femina a été remis hier à Gwenaëlle Aubry pour son récit Personne. Très inspiré par les écrits du père de l'auteure souffrant de psychose, Personne explore la figure de cet homme et des doubles qu'il abritait à travers un roman abécédaire. On l'ouvre avec A, comme Antonin Artaud, et le quitte avec le Z, comme Zelig.

L'auteure dévoile avec beaucoup de pudeur les allées et venues d'un père, qui, bien avant sa mort, avait disparu. «À présent qu'il est mort, on réunit ce qu'il a laissé, miettes et cailloux semés dans la forêt de l'angoisse, trésors et épaves», écrit Gwenaëlle Aubry.

Son père, François-Xavier Aubry, était un juriste réputé, professeur de droit, souffrant d'une psychose maniaco-dépressive. Dans les extraits des mémoires, cités par Gwenaëlle Aubry, on est happé par la plume, précise, honnête et clairvoyante d'un homme qui raconte ses fêlures.

«Je reçois ce prix comme une double reconnaissance, de mon travail d'écrivain et du texte de mon père à partir duquel je suis partie», a dit l'auteure après avoir reçu son prix.

«Le mouvement d'écriture a été très libérateur et curieusement euphorisant. Je n'ai pas du tout écrit ce livre dans la douleur ou dans le deuil. Il y avait quelque chose de fondamentalement vivant à accompagner, à partir du manuscrit qui m'a été légué par mon père.»

Née en 1971, Gwenaëlle Aubry est philosophe, romancière et chercheuse au CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Elle est l'auteure notamment de plusieurs romans: Le diable détacheur (Actes Sud, 1999), L'isolée (Stock, 2002), L'isolement (Stock, 2003) et Notre vie s'use en transfigurations (Actes Sud, 2007). Personne est son cinquième roman. Il a été préféré à L'énigme du retour, de Dany Laferrière, lauréat du prix Médicis la semaine dernière.

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Personne. Gwenaëlle Aubry. Mercure de France, 160 pages, 2009.