Des lettrés solitaires, les bibliothécaires? Au contraire. Ils n'attendent que vos demandes. C'est ainsi que Jimmy Légaré a aidé une jeune femme à trouver la rare gravure d'une statue équestre qu'elle voulait reproduire en tatouage. Que Manon Beauchemin a établi une bibliographie sur le syndrome Prader-Willi. Ou que leurs collègues du service de référence à distance de la Grande Bibliothèque (GB) cherchent en ce moment tous les résultats du Lotto 6/49 depuis ses débuts!

Toutes les bibliothèques publiques appartiennent aux citoyens, puisqu'elles ont été payées à même leurs impôts. Et les bibliothécaires le savent. Leur métier ne consiste pas à intimer le silence en fronçant les sourcils derrière de grosses lunettes, comme le veut le cliché. En fait, ils aiment beaucoup être dérangés... «J'aime ça quand c'est occupé, confirme Manon Beauchemin, bibliothécaire du niveau 3 de la GB, consacré à l'histoire et aux sciences humaines et sociales. J'adore les recherches approfondies, expliquer le fonctionnement des outils, donner de bonnes pistes pour une recherche solide.» Son dernier défi? Monter une bibliographie sur le syndrome de Prader-Willi pour des étudiants. «J'ai appris beaucoup de choses.»

Jimmy Légaré, du niveau 1 (art et littérature), renchérit: «Je suis content quand je réussis à aider quelqu'un dans une recherche difficile. J'ai l'impression d'avoir changé sa journée.» C'est lui qui a aidé une jeune femme à trouver la gravure qu'elle voulait reproduire en tatouage...

Mais il leur arrive parfois de calmer les ardeurs de ceux qui ont des demandes impossibles. «Sans compter que beaucoup pensent que les bibliothécaires ont tout lu... Il y a de grands lecteurs, bien plus actifs que moi, qui sont ici tous les jours!»

À une époque où il est pratiquement impossible de parler à un être humain pour avoir du service, il est bon de savoir que les bibliothécaires sont là, en chair et en os. Si votre coiffeur sait tout de vous, votre bibliothécaire en devine beaucoup. Jimmy et Manon ont leurs habitués, ils connaissent leurs dadas. Ils sont aussi aux premières loges des tendances; oui, quand on parle d'un livre à Tout le monde en parle, il est en demande à la GB! C'est le cas de tous les livres qui sont traités dans les médias et nombreux sont les abonnés qui arrivent aux comptoirs avec des articles de journaux en main. «Et il y a beaucoup de gens qui sont en cheminement personnel, note Manon Beauchemin. Les livres de croissance personnelle, de spiritualité et sur les religions sont très en demande.»

Une partie de leur travail consiste à précéder les désirs; ainsi, à chaque étage, il y a toujours des présentoirs thématique au goût du jour, par exemple pendant les élections américaines, pour la fête des Pères ou le centenaire de Claude Lévi-Strauss. Et cela fluctue au gré des saisons. Pendant l'été, les enfants et les touristes sont plus nombreux, tandis que les étudiants se font plus rares et que la section des livres de voyages est prise d'assaut.

Il existe même une ressource incroyable et pourtant méconnue de la GB: la référence à distance, qui permet de poser presque toutes les questions imaginables.

«C'est comme avoir son bibliothécaire à soi», explique Isabelle Charuest, chef de ce service. Et quand on dit à distance, ce n'est pas juste pour les Montréalais mais pour tout le Québec. Quand et où est née Marie de l'Incarnation? Existe-t-il des livres sur les combats de coqs? Tel écrivain a-t-il vraiment dit cela dans tel livre? Bref, peu importe la question, on tente d'y répondre dans les 48 heures ou moins et ce n'est pas une blague! Bien sûr, on ne fera pas vos travaux scolaires à votre place, mais on peut vous donner un sérieux coup de main. La recherche la plus étrange jusqu'à maintenant? Un abonné a demandé tous les résultats du Lotto 6/49 depuis les débuts de cette loterie....

Le côté sombre des bibliothécaires

Les bibliothécaires sont serviables mais leur patience a des limites. Le personnel de la Grande Bibliothèque, en interview, n'a pas critiqué sa clientèle, bien sûr, mais sur l'internet, un collectif de bibliothécaires anonyme se défoule. Usagers incultes ou aux goûts douteux; retardataires qui refusent de payer 20 cents; parents qui abandonnent leurs enfants en oubliant les heures de fermeture; adeptes de cuisine qui rendent des livres maculés; questions incompréhensibles; impolitesses; stupidités... Sur le blogue Conan: les bibliothécaires (conanlelibraire.wordpress.com), ils racontent leurs états d'âme et leurs anecdotes les plus loufoques - sans segêner pour les juger crûment. Le blogue - inspiré par Conan the Librarian, segment du film de Weird Al Yankovic, UHF - n'est malheureusement plus actif, mais ce qu'il démontre est de toute façon assez intemporel et universel.

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Plus de 400 activités sont organisées un peu partout pendant la 11e Semaine des bibliothèques publiques, qui se déroule jusqu'au 24 octobre. Toutes les infos au: www.semainedesbibliothèques.com

Le service de référence à distance est offert sur le site de la BanQ (www.banq.qc.ca), par téléphone au 514 873-1100 poste 3 ou sans frais au 1 800 363-9028, par la poste au 475, boulevard de Maisonneuve Est, Montréal (Québec), H2L 5C4. Et par télécopieur au 514 873-9932.