Fuck America raconte la vie de Jakob Bronsky (en l'occurrence alter ego de l'auteur, dont toute l'oeuvre est largement autobiographique), né en Allemagne en 1926, émigré aux États-Unis en 1951.

Écrivain inconnu, il vit d'expédients et écrit la nuit, en allemand, dans des cafétérias miteuses, le roman qui doit le rendre célèbre: Le branleur.

Fuck America s'ouvre sur une correspondance délibérément absurde entre Nathan, père du narrateur, et le consul des États-Unis, à qui, en 1938, il demande asile de toute urgence en raison des événements qui s'annoncent en Allemagne. Impossible, répond le consul: «Des bâtards juifs comme vous, nous en avons suffisamment en Amérique.»

Le ton est donné... Entre délire onirique et cruelle réalité, drame et comédie burlesque, c'est un récit au style vif, ironique, émaillé d'amusantes fantaisies typographiques, comme pour masquer ce qui, pourtant, demeure constamment en filigrane: la détresse du narrateur, sa solitude, son incapacité de s'adapter à un monde qu'il ne comprend pas. Et bien sûr la douleur de la Shoah, évoquée à la fin dans une habile mise en abyme qui, ô paradoxe, ne manque pas d'humour.

On a comparé Edgar Hilsenrath à John Fante, à Charles Bukowski ou à Kurt Vonnegut. Et il y a en effet dans cette écriture hachée, incisive, directe, quelque chose de ces écrivains fantasques et amers: même humour sarcastique, même regard acéré sur la société américaine, même sensibilité aussi.

On se prend à regretter qu'Hilsenrath ait connu une gloire aussi tardive. Mais mieux vaut tard que jamais...

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Fuck America - Les aveux de Bronsky. Edgar Hilsenrath. Attila, 286 pages. 29,95 $.