Avez-vous déjà vu cela? Lire un livre, et recommencer? Tout de suite? Pas pour en vouloir davantage, non; pour y revenir, à la même, au même plaisir, au même envoûtement, à la même aimantation... Forcément: le livre se nomme Les aimants. C'est beau comme un coucher de soleil au Bas-du-Fleuve.

Ava rencontrée dans une salle de cours, au rez-de-chaussée de la Sorbonne durant un examen où on a un peu triché. Ce n'est pas important, l'important c'est la suite, la fraîcheur de cette Ava, ses pouvoirs électriques, son côté farouche, le peu de dispositions qu'elle avait à se livrer, même au café qu'elle avait accepté de prendre avec lui, ce provincial de 20 ans qui tenait pourtant à en savoir un peu plus sur la vie secrète d'une Parisienne...

Ensuite, le chassé-croisé de deux personnes qui se cherchent, qui savent toutes deux que quelque chose les a envoûtées et qui se regardent de loin, de près. Elle, en vacances quelque part; lui, qui emménage à Paris. Téléphones à peu près ratés. Lui, qui écrit des papiers pour la presse; elle, qui s'inscrit en maîtrise de lettres. Ils finissent par se voir, très peu: un rendez-vous une ou deux fois par mois, une heure ou deux, dans des cafés en fin d'après-midi. Un soir, enfin, ils se rencontrent à l'appartement des parents d'Ava. Elle, qui parle de Proust, lui qui, depuis un moment, n'écoute plus; il veut sa main, prendre sa main qu'elle retire derrière le dos. Excuses bredouillées. Encore là, nous savons que ce n'est pas important, que rien ne sera comme d'habitude dans les histoires d'amour, même lorsqu'ils passeront la nuit ensemble. Citation: «Au matin, je la trouvai endormie sur moi comme un koala sur sa branche.»

Et nous lisons, et nous lisons, les cent histoires de cet amour en péripéties séparées: «Une relation qui n'avait rien d'évident, puisque nous avions mis un an à nous embrasser. À moins qu'elle ne fût évidente pour cette raison même.» Deux vies indépendantes. Rencontres, au fil d'un temps qu'entoure un champ magnétique. Retraits d'Ava qui s'exalte dans son appartement sentant la rose et le vétiver. Les années s'écoulent. Plus tard: «Eh oui, tu te rends compte? Ça fait plus de 20 ans qu'on se connaît...»

Les plus belles pages, s'il se peut, sont celles du coucher de soleil annoncé. Ava est morte, et lui se souvient des mots de Fitzgerald: «Nous avons partagé l'incommunicable passé.» C'est trop beau. Je recommence.

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LES AIMANTS. Jean-Marc Parisis. Stock, 100 pages, 24,95 $