Depuis quelques années, une invasion britannique frappe le monde du fantastique. Il y a tout d'abord eu le Harry Potter de J.K. Rowling. Puis la trilogie His Dark Materials de Philip Pullman, dont le premier tome est devenu un film, The Golden Compass. Sans oublier la nouvelle cinématographique du Seigneur des anneaux de Tolkien et du Narnia de C.S. Lewis.

Cette fin de semaine, Montréal accueille un autre succès britannique du fantastique, Neil Gaiman, qui a écrit les comics Sandman, les livres Stardust et Coraline, qui ont été portés à l'écran, ainsi que la série de romans «American Gods» et «Anansi's Boys». L'auteur de 42 ans, qui habite depuis sept ans à Minneapolis, aux États-Unis, est la vedette du congrès international de science-fiction Anticipation, qui se tient au Palais des congrès.

 

Pourquoi ce succès des auteurs de fantastique britanniques? «C'est quelque chose qu'ils mettent dans l'eau, blague M. Gaiman. Non, je pense que c'est plutôt une tradition littéraire. Shakespeare avait lui-même des fantômes dans ses pièces.»

Né en 1961 à Porstmouth, un port de la Manche, M. Gaiman s'est très tôt intéressé au fantastique. «Pendant les vacances d'été, mes parents me déposaient à la bibliothèque en allant au travail. Je passais au travers de l'index: je prenais tous les livres qui traitaient de fantômes, de sorcières, d'exploration spatiale, etc.»

Dans la vingtaine, il a commencé une carrière de journaliste. Il a notamment publié une biographie du groupe Duran Duran, «qui a payé ma machine à écrire» (il garde d'ailleurs une garde-robe directement inspirée de The Cure, toute en noir). Puis, vers la fin des années 80, il a rencontré dans un pub un dessinateur de bandes dessinées qui lui a suggéré de collaborer à une nouvelle série, Sandman. Cette histoire mythologique allait faire sa renommée.

«J'admire les gens qui sont capables d'écrire seulement sur la vie ordinaire, ou les peintres qui font des natures mortes. Mais je suis plutôt attiré par l'imaginaire, par des choses qui n'existent pas. D'ailleurs, je me demande si la vie moderne est vraiment ordinaire. Cette semaine, je lisais dans le Telegraph l'histoire d'une femme amoureuse d'une montagne russe, qui avait réussi à convaincre le parc d'attractions de les laisser s'épouser.»

Le fantastique lui permet aussi d'évoquer sa vie personnelle. «J'ai commencé à faire des livres pour enfants quand j'en ai eu (il en a trois, la plus jeune a 15 ans). Ça me permettait de reprendre leurs bons mots. En voyant le film Coraline, j'ai été frappé par le fait que ça parlait de la culpabilité que ressentent les parents qui travaillent à la maison et qui doivent respecter un deadline plutôt que de jouer avec leurs enfants.»

Est-ce qu'Hollywood rend bien le monde fantastique des livres? «Le problème, c'est la compression. Si la BBC est plus fidèle que le cinéma quand elle fait des versions télé de classiques de Dickens, c'est qu'elle a 15 heures, au lieu de seulement deux heures.»

Est-il soulagé de constater la popularité du fantastique ces dernières années, lui qui était un précurseur dans les années 90? «Écoutez, des millions de personnes achetaient Sandman», réplique-t-il, un peu agacé. «La seule différence, c'est que les étudiants universitaires qui lisaient Sandman voilà 20 ans donnent maintenant des cours sur Sandman. J'ai eu le plaisir d'écrire sur un jeune magicien à lunettes qui avait un hibou domestique 10 ans avant le premier Harry Potter. Je suis comblé.»