Le procès du romancier turc Nedim Gürsel, accusé d'avoir incité à la haine religieuse dans son dernier roman Les filles d'Allah, a débuté mardi devant un tribunal d'Istanbul avec des réquisitions du procureur favorable à un acquittement.

Poursuivi au titre de l'article 216-1 du code pénal pour «incitation à la haine raciale, de classe sociale, religieuse, confessionnelle ou régionale», passible de un à trois ans de prison, l'auteur, qui vit à Paris et participait mardi à une conférence dans le nord de la France, n'a pas assisté à l'audience.

«Il n'est pas venu car nous craignions des incidents à la sortie du tribunal, mais il a déjà effectué sa déposition lors d'une précédente visite», a déclaré à l'AFP son avocate Me Sehnaz Yüzer.

En son absence, l'audience a débuté par l'audition du plaignant à l'origine des poursuites, un simple citoyen affirmant avoir été «offensé» par «les mots insultants à l'égard du Prophète et du Coran» contenus dans le roman de M. Gürsel.

«La liberté d'expression a des limites», a affirmé Ali Emre Bukagili, qui a indiqué en marge de l'audience être membre de la communauté religieuse islamiste d'Adnan Oktar, connue pour ses prises de position en faveur du créationnisme et sa dénonciation des théories darwiniennes de l'évolution.

Le procureur a prôné l'acquittement de M. Gürsel, estimant que l'existence d'un «danger proche et évident pour l'ordre public», condition sine qua non de l'application de l'article 216, n'avait pas été établie.

Le roman incriminé, publié en mars 2008 en Turquie, superpose des récits liés notamment à la vie du prophète de l'islam Mahomet.

S'entremêlent ainsi la voix d'un écrivain portant un regard critique sur la foi et celles des Filles d'Allah, trois déesses du panthéon arabe préislamique qui prennent la parole en contrepoint de la révélation coranique pour donner une autre version de l'avènement de l'islam.

Dans un récent entretien accordé à l'AFP, M. Gürsel a revendiqué «la liberté de porter un regard critique sur les religions» tout en assurant «respecter la foi et les croyants».

Le romancier a considéré que «ce procès tombe très mal car tout le monde pensait que la Turquie avait progressé en matière de liberté d'expression».

M. Gürsel est jugé par le même tribunal qui avait en 2006 prononcé un non-lieu en faveur de l'écrivain Orhan Pamuk, accusé de «dénigrement de l'identité turque» après des déclarations sur la question arménienne. M. Pamuk avait obtenu cette année-là le prix Nobel de littérature.

La cour a remis la prochaine audience au 26 mai.