Trois ouvrages sur Simone Weil.

Simone Weil, le ravissement de la raison 

Textes choisis et présentés par Stéphane Barsacq

Point, 88 pages, 10,95$

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Un petit livre de poche qui propose des extraits de l'oeuvre de Simone Weil, pigés dans Attente de dieu, La pesanteur et la grâce, L'enracinement et Lettre à Joë Bousquet. Une introduction pratique pour qui veut découvrir Weil et dénicher le titre qu'il voudra lire en entier. «Le mal est l'illimité, mais il n'est pas l'infini. Seul l'infini limite l'illimité.» Si ça vous plaît, eh bien, c'est dans La pesanteur et la grâce...

 

Simone Weil, le courage de l'impossible

Christiane Rancé

Seuil, 248 pages, 35,95$

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Christiane Rancé est l'une des plus récentes exégètes de Simone Weil. Elle propose ici une biographie très dense, qui ausculte toutes les influences intellectuelles de sa pensée. Ses lectures, ses mentors, et ces terribles années 30 sur lesquelles Weil posait un regard d'une lucidité étonnante, malgré son «erreur» - qu'elle regrettera amèrement, comme d'autres - d'avoir milité avec acharnement pour la paix pendant la montée du nazisme. Ce que s'applique à démontrer Rancé est l'absolue authenticité de cette femme qui ne s'est jamais menti à elle-même, et qui n'a jamais menti aux autres, parce que «désirer la vérité, c'est désirer un contact avec la réalité», écrit-elle alors qu'elle était l'élève d'Alain. Elle ne fuira jamais la réalité, et la plus dure: Weil n'a pas hésité à sortir de la sphère des idées pour aller se rompre au travail dans les usines pour comprendre, dans sa chair, l'horreur de la machine industrielle broyant les êtres. Son intensité était telle qu'on se moquait souvent d'elle - le directeur de l'École normale qui la surnommait «la Vierge rouge» fera tout pour l'envoyer enseigner très loin, en vain. Rancé n'hésite pas à écrire que Simone, en avance sur son temps, parlait la «langue des prophètes»: celle des naufrages, dont elle a été le solide témoin qui n'a jamais détourné les yeux.

Simone Weil, l'insoumiseLaure Adler

Actes Sud, 269 pages, 34,95$

*** 1/2

Sous-titré «récit», le livre de Laure Adler ressemble plus à une réflexion qu'à une biographie du personnage insaisissable qu'est Simone Weil. On approche Simone par cercles concentriques, sans linéarité temporelle. C'est en redécouvrant cette lecture de jeunesse dont elle s'était éloignée que l'auteure se demande pourquoi Weil est si peu lue, alors qu'elle lui apparaît si essentielle, encore aujourd'hui. «Nous avons besoin de la pensée de Simone Weil, de sa clairvoyance, de son courage, de ses propositions pour réformer la société, de ses fulgurances, de ses questionnements, de son désir de réenchanter le monde.» Weil ne pouvait qu'intéresser Adler, dont le parcours littéraire est résolument féministe - elle a signé récemment les beaux livres Les femmes qui lisent sont dangereuses et Les femmes qui écrivent vivent dangereusement - titres qui vont bien à Weil d'ailleurs. Cet angle explique sûrement pourquoi elle ne cède pas seulement à l'admiration et se permet d'aborder la femme Weil dans son intimité, dans ce corps qu'elle a terriblement malmené par compassion envers les plus démunis, bien qu'Adler y voie de l'anorexie déguisée. La dimension littéraire de Weil prend dans ce récit autant de place que sa pensée, pour cette «Antigone» «qui, rappelle l'auteure en la citant, n'a «jamais pratiqué aucune religion», n'a «certainement rien hérité de la religion juive» et «dont la seule patrie sont les livres». «Elle dit appartenir au pays de Pascal et de Racine.» Pour Adler, Simone Weil est «l'essence même de l'interrogation».