Thème majeur du roman d'espionnage et de politique-fiction, la menace terroriste envahit parfois les pages du roman policier traditionnel. Il en est question, par exemple, dans Badal, de Jacques Bissonnette (Alire), À genoux, de Michael Connelly (Seuil/Policier) ou dans Les assassins de l'ombre, un polar captivant de Robert Wilson dans lequel on retrouve l'inspecteur Javier Falcon de la police de Séville.

L'affaire commence avec la découverte du corps d'un homme sauvagement mutilé et défiguré dans une décharge publique. Au moment où s'amorce l'enquête, une énorme déflagration détruit une école maternelle et un immeuble d'habitation, faisant plusieurs victimes. L'explosion a eu lieu dans une mosquée installée dans les sous-sols de l'un des bâtiments. Du coup, Séville vit dans la terreur des attentats. Mais que s'est-il réellement passé? Les islamistes radicaux de la mosquée ont-ils été les victimes de leur propre engin de mort, ou étaient-ils visés par un groupe de chrétiens fondamentalistes partis en croisade contre les Arabes?

Un beau casse-tête pour Javier Falco, qui doit composer avec l'intervention de diverses agences de sécurité tout en évitant les pièges de la manipulation et des fausses évidences. Les assassins de l'ombre est un livre ambitieux. Inspiré par les attentats de New York et de Madrid, Wilson a voulu écrire un thriller sur la terreur sous toutes ses formes. De ce point vu-là, c'est mission accomplie!

Par contre, on lui reprochera certaines longueurs résultant d'un nombre trop élevé d'intrigues secondaires qui nuisent au rythme du roman, surtout dans la première partie. Heureusement, par la suite, un véritable suspense s'installe et on retrouve les qualités des deux premiers romans de la série, soit le réalisme et la profondeur psychologique.

Pas de terroristes dans L'amie du diable, de Peter Robinson, mais tapis dans l'ombre, des assassins retors qui vont donner du fil à retordre à l'inspecteur Alan Banks de la police d'Eastvale à l'occasion de sa 17e enquête. Selon un schéma bien rodé dans les romans précédents, Robinson nous propose deux intrigues parallèles qui vont finir par se télescoper. Le procédé est convenu, certes, plutôt artificiel chez certains tâcherons, mais rien de tel ici, où la machine narrative fonctionne sans grain de sable.

La première enquête concerne le meurtre d'une belle étudiante, violée et étranglée à la sortie d'un pub. Une affaire sordide et complexe où les suspects ne manquent pas. Pendant que Banks tente de résoudre cette énigme, sa collègue Annie Cabot cherche à découvrir qui a tranché la gorge d'une paraplégique du nom de Karen Drew. L'affaire prend une tournure dramatique quand elle découvre l'identité réelle de la victime: il s'agit de Lucy Payne, l'épouse et complice d'un tueur en série, jamais condamnée par la justice, faute de preuves (affaire évoquée dans Beau Monstre).Nombreux étaient ceux qui auraient pu souhaiter la mort du monstre, à condition, bien sûr, de connaître sa véritable identité.

Les deux enquêtes progressent de manière parallèle jusqu'à la résolution finale, logique et satisfaisante. L'amie du diable est un des meilleurs romans de cette série remarquable où l'on retrouve avec plaisir les deux principaux protagonistes. Banks est un de mes détectives préférés: grand amateur de musique, ni alcoolique ni dépressif comme nombre de ses collègues, il est sensible et intelligent, avec un bon sens de l'humour. Quant à Annie Cabot, mélange volatil de force et de fragilité, elle soigne quelques traumatismes et se débat avec une vie sentimentale chaotique.

On ne le dira jamais assez: malgré le cadre très britannique de ses intrigues, Peter Robinson est un auteur canadien qui vit à Toronto. Publié en 2007, ce polar a figuré sur plusieurs listes de best of, notamment dans le Globe and Mail.

Les assassins de l'ombre

Robert Wilson

Robert Laffont, 492 pages, 29,95$

****

L'amie du diable

Peter Robinson

Albin Michel, 412 pages, 29,95$

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