Si vous longez le chemin de la Grande Ligne, entre Saint-Alexandre et Notre-Dame-de-Stanbridge, la nuit, vous arriverez peut-être à capter l'émission de radio américaine d'un certain Rainier Hamilton. Le narrateur de KXKL 105 FM y arrive bien, lui, en syntonisant le poste de sa voiture immédiatement après avoir passé le dernier lampadaire de Saint-Alexandre. En roulant très lentement, si le ciel n'est pas trop chargé de nuages, il peut savourer jusqu'à 15 minutes d'un jazz ou d'un blues doucement suranné.

Vrai? Faux? Vraisemblable, dira-t-on, comme la plupart des nouvelles de ce recueil d'un jeune crack du texte bref, William S. Messier, né à Cowansville, P.Q., en 1984. Même les plus folles - cette histoire de deux serveuses siamoises («Elles sont nées avec un auriculaire commun. Jointes par le petit doigt») travaillant à la Cantine 112, à Sainte-Cécile-de-Milton - se donnent des airs de faits vécus.

On ne s'étonnera pas que l'auteur, étudiant à l'UQAM en littérature américaine, «s'intéresse particulièrement au vernaculaire, ainsi qu'aux rapports entre oralité, réalisme et réalité». Dans ces 13 textes (joliment baptisés «récits des origines») il y a du réel, du terre à terre, de la légende, de la rumeur et du ouï-dire. Et il y a du monde qui ressemble à du vrai monde; des noms typiques des villages bilingues des Cantons-de-l'Est, des Steve Langlais, des Murray Larochelle, des Jackson Clément, Rachel Matheson ou Kevin Bérubé.

Plusieurs de ces textes qui se font écho l'un l'autre évoquent des cartes postales où figureraient des scènes de village d'une époque révolue. Bedford pendant son exposition agricole, en 1989 (Bedford Fair); les glissades d'eau du camping de Saint-Pie, le jour de la mort de Gerry Boullet (Gerry); un match de hockey junior particulièrement musclé (Cowansville vs. Waterloo). D'autres ouvrent des brèches sur un autre monde (Prologue - Knowlton; Folk). Mais toutes s'évertuent à nous démontrer que la réalité peut dépasser la fiction d'une bonne tête, dans les Cantons-de-l'Est comme ailleurs.

Même si Townships est son premier livre publié, William S. Messier n'est pas tout à fait un nouveau venu. Il a publié des nouvelles «dans divers médiums littéraires québécois», nous dit la quatrième de couverture. Et il collabore à la revue de littérature pop Biscuit Chinois, publiée trois fois l'an, et qui a pignon sur web (www.biscuitchinois.com). Si l'écriture de son premier recueil aurait eu besoin d'un petit coup de papier émeri, histoire d'adoucir le style, un peu trop rugueux, on se réjouit d'avoir accès à un ton, un imaginaire tout à fait singulier qui ne déparera pas, loin de là, le catalogue des éditions Marchand de feuilles.

Townships

William S. Messier Éditions Marchand de feuilles, 2009, 111 pages

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