N'en déplaise aux littérateurs austères, George Perec a aussi été un humoriste, une sorte de clown formaliste, et toute son oeuvre, hormis quelques exceptions (W ou le souvenir d'enfance, Un homme qui dort), fourmille de gags, de calembours et de clins d'oeil comiques: s'il est un écrivain ludique qui aimait jouer avec les mots, s'amuser avec toute littérature comme un gamin dans un carré de sable, c'est bien lui. Dommage que les lecteurs non initiés ne connaissent de ce merveilleux fabulateur que son «roman écrit sans l'usage de la lettre E» (La disparition).

 

Publié dans la revue L'enseignement programmé en 1968, L'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation, est en quelque sorte l'adaptation littéraire d'un étrange organigramme parodique où il est expliqué comment aborder un patron pour une hausse salariale et, surtout, comment faire face aux imprévus. D'abord, le patron est-il sans son bureau? Vous dit-on de revenir à 14h30? Faut-il attendre le lendemain? Que faire en tel ou tel cas? Perec épuise toutes les possibilités et leurs conséquences, un peu comme dans ces «livres dont vous êtes le héros» (ou comme une variation inversée du Conte à votre façon de Queneau.) Écrit d'un trait, c'est-à-dire sans ponctuation, et foisonnant de blagues, de références incongrues, de répétitions et de «running gags», cet autre exercice de style du génial Perec, enfin édité en bouquin (organigramme d'origine compris), ravira les fans de cet explorateur amusé de la chose écrite.____________________________________________

Georges Perec

L'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation

Hachette Littératures, 104 pages, 21,95$

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