Tanguy Viel demeure un auteur surprenant. Après un premier livre à 24 ans (Black Note, salué par la critique), l'auteur s'est amusé à revisiter le polar avant de publier cette année un étonnant quatrième roman aux échos autobiographiques. Récit minimaliste et pourtant d'une acuité frappante, Paris-Brest nous présente la voix atypique d'un narrateur ayant à peine «franchi l'ombre de l'enfance», observant les rouages familiaux de son regard sans compromis.

Dans une langue qui évoque l'oralité (répétitions, utilisation du souffle) tout en ne niant jamais sa vocation littéraire, Tanguy Viel place tout d'abord Brest, sa ville natale, au centre de ce portrait cru. Victime (ne se fait-il pas «voler» son célèbre footballeur Juan Cesar?), affligeant (sa plage sans attrait attire la pluie comme une malédiction), Brest devient rapidement le miroir de la famille du jeune Tanguy, embourbée dans le défaitisme et étouffée d'amertume. Le salut de l'ado se situe alors dans l'écriture de ce qu'il appellera «le roman familial» dans lequel il consigne, parfois avec force exagération, les bizarreries de son entourage immédiat. C'est là que l'étrange roman de Viel prend une tournure pour le moins attrayante, transformant à notre insu le narrateur en menteur pour les besoins de la cause.

La force de ce roman qui se boit comme du petit lait réside dans l'habileté avec laquelle l'auteur souligne sans vergogne les petits travers bien cachés de la condition humaine, tout en parvenant à évoquer une certaine tendresse envers la ville qui les embrasse. Exilé à Paris afin de pouvoir regarder de loin son patelin natal, le jeune héros n'a d'ailleurs de cesse d'y revenir en chair comme en pensée, habité malgré lui, comme nous, de l'humidité pénétrante de Brest.

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Paris-Brest

Tanguy Viel Éditions de Minuit, 190 pages, 27,95$

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